[Jour de l'An] Au bar.

[Sujet dédié du Nouvel An]

Si vous vous trouvez au comptoir du bar, un peu à l'écart du concert, et que vous voulez boire un verre ou discuter en bonne compagnie, c'est ici ! ! !

(Suite de La fête du jour de l'an.)

Sinead se posa sur une chaise, à mi-chemin entre le bar et le concert. Elle venait de quitter Ambre pour rejoindre la salle du concert, quasiment vide. En même temps, le Saturday Night venait de s'ouvrir... et puis, elle devinait que la plupart des gens arrivaient un peu plus tard qu'à 22h. Paraîtrait-il, tout du moins, car de son côté, c'était la première fois qu'elle venait en boîte de nuit. Elle avait plus ou moins l'habitude des pubs, mais c'était tout de même différent des bars... bref, une nouveauté pour Sinead.
Enfin... elle espérait que tout se passerait bien. D'ailleurs, pourquoi quelque chose irait mal ? se demanda-t-elle. Elle passerait certainement une nuit blanche (ce qui était assez habituel) en compagnie d'autres jeunes (ce qui l'était moins), et cela lui paraissait une très bonne option. En somme, cette nuit devrait être bonne. Parfaitement bonne. Ou du moins essayait-elle de s'en convaincre.
Bon, en tous cas, ça n'avait pas mal commencé... la discussion avec Ambre avait été... agréable ? Intéressante ? Maintenant qu'elle y repensait, elle ne trouvait qu'elle ne pouvait pas dire de leur conversation qu'elle avait été l'un ou l'autre... soulageante, alors ? Oui, peut-être. Parler avec quelqu'un... enfin. C'était rassurant. Cela faisait presque un mois qu'elle ne parlait quasiment plus à personne, ou à peine quelques mots par-ci ou par-là...
Sinead éternua. Ah, elle avait attrapé froid... bon, où avait-elle mis les médicaments d'Edouard ?... Bon, évidemment, elle les avait oubliés. Elle serait donc malade dès le lendemain, passerait un temps fou à essayer de ne pas dormir, dormirait, et après... fi... qui sait ce qui se passerait ? Malheureusement, la jeune fille ne pouvait pas se passer de sommeil, et elle le savait. Elle pouvait juste ne pas dormir jusqu'à l'épuisement, mais ne jamais dormir était impossible... nerveuse à ces pensées, elle tapota la table à laquelle elle était. Enfin, elle se leva, se dirigea vers le bar, et commanda un café. Ce n'était peut-être pas la boisson la plus courante dans une boîte de nuit, mais au moins c'était chaud (et, au passage, elle avait froid, si si), et surtout ça contenait de la caféine, ce qui l'aiderait à ne pas s'endormir.
Elle revint ensuite à sa table, et on ne tarda pas à la servir. La salle commençait à être un peu plus remplie... cela dit, ce n'était vraiment qu'un peu... il n'y avait même pas encore de musique, après tout.
Elle remua son café, et le porta à ses lèvres. Il était brûlant... tant mieux, après tout. Elle avala une gorgée. Il était sucré, aussi. Elle jeta un regard noir vers le bar. Manque de chance pour le serveur, Sinead commençait à replonger dans une certaine noirceur, et peu lui importait qui avait mis ce sucre, pour elle, la première personne qu'elle vit (c'est-à-dire le serveur) était responsable. Et ce café légèrement sucré, si pour beaucoup n'aurait été qu'un petit désagrément, pour Sinead paraissait une véritable calomnie. Une injure presque. Un manque total de savoir-vivre et d'accueil des clients. En un mot comme en cent, un désastre.
Ce fut donc énervée - le café, étrangement, ne la calmait pas - que Sinead posa son café, une cuillière dedans, remuant machinalement la boisson.

Yasha avait marché longtemps, dans le froid glacial. Elle avait quelque peu perdu le fil du temps. La neige... c'était tellement beau... Elle était fascinée. Beaucoup de gens se retournaient sur son passage dans la rue. Ça n'était pas qu'elle était belle ou séduisante. C'était surtout que voir une fille de son âge en train de se rouler dans la neige comme si elle avait trois ans n'était pas... comment dire ? Habituel.

Sauf que Yasha venait de découvrir une des grandes vérité de la vie : la neige ça fond. Et elle s'était retrouvée toute trempée et à moitié frigorifiée, incapable de retrouver son chemin jusqu'à la Confrérie. De toutes façons, ça n'était pas comme si elle était attendue. Les mutants... Elle n'avait pas grand chose à voir avec eux. Yoss avait disparu sans un mot. Marcus... Il devait être occupé. Tous les autres... Ils étaient morts. Ou alors elle ne les connaissait pas. Ce qui revenait à peu près au même pour elle. Depuis un peu plus d'un mois, elle s'était retrouvée presque complètement isolée. À part, au milieu de ses frères de race comme au milieu des humains. Ça ne la dérangeait pas. Ça lui permettait d'éviter les contacts physiques.

Toujours était-il qu'elle se retrouvait toute seule en pleine nuit, et perdue. Elle aurait pu appeler pour qu'on vienne la chercher... Mais non. Il fallait qu'elle se débrouille toute seule, elle n'était pas dans une situation critique non plus. Elle n'avait qu'à rentrer dans un bar ou n'importe où, attendre que ses vêtements aient sèchés et... Rentrer dans un bar. Ça c'était l'élément difficile. Un frisson la secoua, coupant court à ses réflexions. Si, elle ne voulait pas chopper la crève, il valait mieux aller se magner le train.

L'enseigne du Saturday Night attira son regard. Pourquoi pas ? Ça n'était pas vraiment un bar, mais là ou ailleurs... Ses goûts vestimentaires pour le moins particulier lui permirent d'entrer sans problèmes. Vêtements immaculés couverts de dentelles dans le plus pur style "gothic lolita"... Les videurs dûrent penser qu'elle était déguisée en poupée. Ou en un quelconque personnage de manga, bien qu'elle n'en ai en réalité jamais lu...
La chaleur lui sauta au visage comme un animal familier. Il y avait des gens. Beaucoup trop à son goût. Un instant, elle faillit faire demi tour et ressortir. Mais elle refoula cette impulsion. Courage. Elle avança dans la pièce d'un pas qui, à défaut d'être décidé, n'était pas chancelant. Elle enleva son manteau blanc détrempé, le posa sur une chaise quelconque, commanda un café avec du sucre et s'assit. Elle ne trouvait pas ça bizarre de commander une chose pareille dans une boîte de nuit. C'était la première fois qu'elle y allait. Et dans le fond, ça n'était pas aussi horrible que ça en avait l'air. Personne n'était venu l'importuner, il y avait assez d'espace pour éviter qu'on la touche... et il faisait chaud.

L'albinos s'enhardit même à regarder un peu plus précisément les clients autour d'elle. Une jeune femme aux cheveux noirs attendait sa commande elle aussi, non loin.

"Votre commande mademoiselle...
-...merci."

Elle était fière d'elle. Sa voix était rauque et n'était sortie qu'avec difficultés de sa gorge... mais elle avait parlé à un inconnu. Un homme qui plus est. Elle prit une gorgée de son café... Et manqua de le recracher. Arf... c'était horriblement amer. Ils avaient oublié son sucre ?!?

(bon heu, libre à toi de relever ou pas ^^)

[Depuis l'institut]

Boston était décidément une ville magnifique : l'éclairage de fin d'année était superbe, ni trop exagéré ni trop dépouillé, les gens étaient plutôt d'humeur joyeuse en songeant gaiement à la fête, la neige comblait ce tableau magique en emmitouflant la vie en son sein. Beaucoup d'enfants avaient les yeux brillants devant un tel spectacle, leurs songes semblaient éloignés dans le pays des rêves.

Et Doris s'en foutait éperdument. Autant la féérie emplissait ces lieux et autant la faim, la fatigue et même le froid tiraillaient de toutes parts le jeune lapon. Il lui fallait se sustenter, se reposer et même se réchauffer un peu avant de retourner à la Confrérie et, pour le moment, il ne savait pas bien comment s'y prendre.

* Mais qu'est-ce que je suis venu foutre ici ?
Rhaa, ils ont su m'appâter avec leurs belles promesses de recherches et blablabla...
Bon, tout ça ça me gonfle. Ah, il y a du monde par là... Qui dit monde dit chaleur et bouffe nan ? *

L'adolescent en passe de devenir adulte venait de repérer un flot de personnes qui allaient et venaient du Saturday Night. A priori l'endroit ne lui inspirait aucune confiance et pourtant il se mêla à la populace.
On peut éventuellement se demander comment il avait fait pour ne pas se faire refouler à l'entrée. La réponse était évidente : dans son état boiteux, habillé de haillons, des valises énormes sous les yeux il passait pour un clochard parfait ce qui était en accord avec le thème de la soirée, le "bal costumé". Il fut donc considéré comme un sans papier, encore que le dictionnaire qui trainait dans ses mains tranchait un peu avec le déguisement, mais bon...

Il pénétra donc à l'intérieur du grand bâtiment et déjà la chaleur réchauffait ses muscles engourdis. Il commença à se sentir mieux. Aléatoirement il se promena au gré des couloirs et se retrouva finalement au bar où il voulut commander une boisson chaude.

* Et bien sûr je n'ai pas un sou sur moi... A tout les coups ça va être un gros radin le barman, comment je vais boire ne serait-ce qu'un chocolat chaud moi ?
Allez, je vais essayer de m'attirer la sympathie d'un client quelconque. Tiens, il y a des demoiselles là-bas. *

Avez-vous déjà parlé à un ermite suédois qui sentait mauvais ? Non ? C'est pourtant ce qui se dégageait de Doris lorsqu'il s'approcha de Yasha. Plus ils étaient proches et plus il parvenait à distinguer la blancheur de peau excessive de la jeune femme, ce qui lui évoqua sa terre natale.
C'est donc tout confiant qu'il parcouru encore quelques mètres avant de l'entendre remercier le serveur et s'étouffer à moitié dans son café. A ce moment déjà il tendait un doigt dans sa direction et entrouvrait sa bouche pour s'exprimer en suédois, puis se ravisa.
Voir un étranger faire mine de s'exprimer devant vous puis changer soudainement d'avis peut paraitre étrange, mais c'était bien ce que le garçon venait de faire. En fait Yasha lui faisait peur, cette voix rauque qu'il qualifierait de "semi-caverneuse" le mit mal-à-l'aise.

Notre joyeux péteux se retourna donc, espérant ne pas avoir trop attiré l'attention et se dirigea plutôt vers Sinead qui siégeait à quelques mètres seulement.

* Bon, essayons de faire bonne impression, au moins pour s'attirer ses bonnes faveurs. *

"Bonne soir", dit-il en levant la main vers la jeune femme qui touillait nerveusement son café sans trop se rendre compte de la tension qui l'investissait. Une fois le premier contact passé il prononça une suite de mots comme il le put, en s'aidant de son livre quand il en avait besoin.
"Je suède et faim, te pourrait-il me offrir chocolat ?"

Sa voix était nasillarde, un peu faible et possédait un fort accent scandinave, son seul souhait à ce moment là était de voir son désir être assouvit.

[HJ: S'il vous plait, ayez pitié d'un pauvre clochaaaard ! /HJ]

Jared n’avait pas mis très longtemps à obtenir l’emplacement du Saturday. Il semblait qu’en fait, cet endroit soit très fréquenté et donc connu de pas mal de personnes. Doté d’un bon sens de l’orientation Jared trouva l’endroit facilement mais se trouva confronté à un problème inattendu : la soirée costumée. Il pesta intérieurement contre le majordome qui avait omis de lui préciser ce détail lorsque la sécurité renforcée de l’établissement lui refusa l’entrée.

Il parti donc en quête d’un costume ou de quelque chose d’approchant. Il marchait dans la fine neige d’un pas nonchalant, regardant à droite et à gauche pour se créer des repères. Heureusement, quelques galeries marchandes étaient encore ouvertes en cette heure tardive. Probablement spécialement pour ce genre de cas. Il rentra dans un magasin traditionnel américain, le genre de magasin digne du Texas avec ses peaux de vaches sur les murs et ses bottes de cuir. Il acheta un chapeau de cowboy, une ceinture en cuir et des bottes de cow-boy sans éperon. Son jean et son tee-shirt délavé feraient l’affaire pour compléter la panoplie du cow-boy moderne.

C’est ainsi fringué que Jared se repointa au Saturday où cette fois, la sécurité le laissa rentrer. Avec un soupir de soulagement, il se dirigea vers l’endroit qui l’attirait le plus, à savoir le bar.

Plusieurs personnes étaient déjà présentes et un adolescent bizarre en haillon venait de parler avec son accent tout aussi bizarre. Les autres personnes étaient également suspectes, bien que dans une soirée costumée, tout le monde le soit un peu. L’albinos paraissait calme, du genre qui préfère qu’on lui fiche la paix. Ca convenait à Jared. Il n’était pas non plus d’une sociabilité exacerbée. La brune l’intriguait bien plus. Elle paraissait énervée, touillant comme une démente son café.

Jared haussa les épaules et commanda un Cercueil blanc, son alcool préféré et resta près du comptoir. Lorsque le type en haillon demanda un chocolat, Jared ne put s’empêcher de s’exclamer :

« Ah bon Dieu ! Du chocolat ? Commande donc un Cercueil Blanc ! Le meilleur Cocktail qui soit ! »

* Etranges ces autochtones, très étranges. *

La scène avait quelque chose de comique, un peu à l'image des séries américaines où les acteurs font de grands gestes au milieu de phrases plus ou moins drôles. Là, on venait d'assister au tournage du moment « Jared se fait rembarrer par Sinead », le public riait très fort. En fait l'immersion était totale : les lumières du bar semblables à des projecteurs, les clients faisant office de public plus ou moins motivé... Le ton et les gestes étaient présents.

Malheureusement, Doris n'avait jamais appris à rire. Non, dans sa famille d'aristocrates il fallait avoir le cul coincé, une étiquette sociale irréprochable et exceller dans les bonnes manières. La joie, les sentiments, tout ceci n'était que superflu absolument inutile aux relations humaines, ce qui pouvait être paradoxal.
Sa mise à la rue non plus n'a pas dû arranger les choses, d'où certainement son air blasé. Malgré la situation il n'esquissa ni un sourire, ni ne sursauta et se contenta d'observer. Car même s'il se moquait éperdument de ce que pensaient les autres, il y a parfois des cas où il faisait meilleur de se reculer, voire de fuir, il fallait donc rester attentif.
Sans compter qu'il ne comprenait pas grand chose à ce qui se disait au bar : entre la proposition d'un "cercueil", qui fut presque considérée comme une menace de mort, et le ton plus virulent de Sinead Doris commença une série de conclusions, pas forcément exactes.

Premièrement, il était évident que cette fille et Jared se connaissaient. Après tout, on n'engueule pas quelqu'un qu'on ne connait pas, surtout après une pseudo-tentative d'agression avouée sur une tierce personne. Visiblement la demoiselle était grande gueule et n'hésitait pas à dire ce qu'elle pensait, ce qui amena la deuxième conclusions du jeune homme...
C'est Sinead qui dirigeait. A l'évidence elle était à la tête d'un groupe, peut-être armé d'ailleurs, de personnes sans scrupules qui lui tendaient un piège à ce moment même. Le bar était presque désert mais tout le monde était peut-être de mèche ! Doris regarda rapidement autour de lui et revit Yasha qui regardait un peu trop nonchalamment la scène, quelque chose clochait. Même le barman obéissait aux ordres, le groupe était peut-être une grosse organisation mafieuse. Mais pourquoi se donner tant de mal pour attraper le suédois, lui qui n'a aucune possession terrestre ni aucun intérêt pour l'extérieur ?
D'où la dernière pensée du garçon : soit ses parents voulaient le ramener au bercail, soit ils subissaient des pressions psychologiques basée sur des menaces de coups et blessures sur leur cher bambin. Non, cette dernière option n'était pas crédible puisque Doris était certainement déclaré mort, rien de moins. Et cette indication rendait tout le raisonnement bancal puisque, finalement, il n'existait plus officiellement...

* De toute façon, depuis que je suis arrivé ici, plus rien n'est logique alors bon, je ne suis plus à chercher la petite bête... Par contre cette fille, elle est fascinante ! La voilà quelle... Se "désole" ? Ca veut dire quoi ça encore ? * Le garçon fouilla dans son dictionnaire en même temps qu'il écoutait ce qui se disait.
* Ah, "désolé". Elle s'excuse en fait. Mais de quoi ? *

Quelle que soit la raison un chocolat chaud fut servit par un barman un peu bougon mais trop intimidé pour se défendre et Doris en fut ravi.

« Merci. » murmura-t-il de sa petite voix avant de se réchauffer les mains sur la tasse agréablement chaude. Il appréciait pourtant peu toute source de chaleur mais sa longue randonnée enneigée avait eu raison de ses habitudes. Il colla ses joues avec un certain plaisir contre ce radiateur improvisé.
Quelques réminiscences de politesse sortirent spontanément de sa bouche.

« Enchanté... Sénilde ? » Il avait du mal à comprendre et reproduire ce prénom qui lui était si peu familier. Il adressa aussi un salut de la main à Jared, Yasha et au barman en poursuivant.
« Je suis Doris, et peut-être perdu depuis mon arrivée ici. »

Il ne voyait aucun intérêt à ce qu'on lui réponde mais quand on est habitué à faire semblant de se soucier des autres, comme chez lui, c'était le genre de choses qui se disait naturellement.
Du point de vue du suédois l'ambiance se détendait, la paranoïa avait cessé, le chocolat avait bon goût.

Jared avait à peine terminé sa phrase que la ténébreuse brunette lui sauta directement à la gorge. Il ferma un œil dans une expression de gêne comme si on l’aspergeait avec de l’eau glacée pendant que Sinead l’accusait de tous les maux.

*Elle dit n’importe quoi, elle est complètement frappée celle là* pensa Jared en fixant son verre. L’alcool réchauffait aussi le corps et l’âme, ca n’était pas pour rien qu’en Russie on buvait beaucoup.

Jared ouvrit son œil une fois que Sinead se fut détourné de lui pour parler au barman. Il resta un peu silencieux en suivant l’échange Doris-Sinead et dès que celle-ci fut plus calme il entreprit de lui répondre :

« La politesse ? Baaah… je lui proposais de quoi se réchauffer le gosier quoi ! » s’exclama le « cowboy » avec un sourire.

« Et pis toi t’es qui pour me dire si je dois boire ou pas ma ptite mmh ? Moi c’est Jared Bleed, nouvel arrivé ici et faut pas m’énerver non plus si tu vois c’que j’veux dire. Chus pas exactement « normal », bien que j’ai pas l’impression que tu sois bien humaine non plus » ajouta Jared. Il n’avait jamais eut aucune honte à cacher ou éluder le fait qu’il était un mutant, et il en parlait volontiers sans se soucier des conséquences.

Avant que Sinead ait eut le temps de répondre il fit aussi un signe de la main à Doris et lui répondit :

« Ah bah ça ouaih ! Moi aussi je débarque, c’est chaud chaud pour se repérer dans ce bordel ! A la tienne ! » dit-il d’un ton bourru tout en vidant son verre d’un trait.

Non pas qu'elle ignorait son interlocuteur, Sinead restait dans quelques pensées macabres. Elle répondit cependant à Doris, quoique apparaissant peut-être à peine intéressée :

- Je vois... perdu. Votre arrivée à Boston ?...

Encore une fois, elle posait une question sans vraiment vouloir la réponse. Ou l'art du parler mondain.
Le barman les servit assez vite, et Sinead put donc profiter d'un café (qui fut bien cette fois-ci sans sucre), dont elle but une gorgée. Le liquide chaud et amer ne la sortit cependant pas de ses pensées.
Elle entendit la voix d'Alex (que faisait-il ici, celui-là ?) soudainement, dans le micro, ce qui la surprit un moment. Du reste, il ne chantait pas faux, et il ne chanta pas longtemps, donc ça ne la dérangea pas.
En revanche, ce qui la dérangerait serait les paroles de l'autre... comment dire ; idiot ? Ou simplement abruti ? Sinead se posa réellement la question un moment, puis l'abandonna : les deux termes étaient bons.
Malheureusement, la colère de Sinead était encore toute récente, et Jared n'arrangeait pas son apaisement. Elle lui jeta un regard noir, comme à l'accoutumée, et faillit se lever. Quelques mots la retinrent : comme "normal", et "j'ai pas l'impression que tu sois bien humaine non plus."
Un instant, son coeur se serra. Confuse comme blessée, Sinead se tut, dévoilant sa surprise - qui laissa vite place à une certaine rage.
Ce n'est pas qu'elle attendit que Jared eût fini de parler à Doris, mais que le temps qu'elle se remît de sa stupeur, de ses émotions, il avait fini ses mots, et même de boire.
Elle le regarda à nouveau, et sa voix s'énonça, étrangement calme :

- Pas « normale » ?

Quiconque l'avait fréquenté ces derniers mois pouvait croire voir des signes avant-coureurs de sa colère. Mais seuls ceux qui l'auraient connu pouvaient remarquer sa faiblesse, et à quel point les mots de Jared l'avaient heurtée. De fait, sa voix se faisait légèrement plus aiguë qu'à l'ordinaire - mais là encore, seul quelqu'un ayant déjà plusieurs fois entendu le timbre de la voix de Sinead pouvait le remarquer.

- Qu'est-ce que ça veut dire ? Je ne suis pas humaine ? Est-ce que ça fait de moi une inhumaine ?

Le dernier mot avait été prononcé avec une certaine violence. Le ton de sa voix était resté le même ; ni plus fort, ni plus faible. Mais elle l'avait accentué, l'avait démarqué des autres par un temps d'arrêt.
Inhumaine... est-ce qu'elle était inhumaine ? Elle ne voulait pas y croire. Elle ne voulait même pas y penser.

- Vous ne connaissez strictement rien sur moi. Et est-ce que malgré ça vous me jugez ?

Instable, Sinead l'était. Allait-elle se rasseoir, ou s'en aller ? Elle n'en savait rien, pour l'instant, elle ne faisait que répondre à Jared pour oublier ce mot, « inhumaine. »

- Je ne suis PAS inhumaine, vous m'entendez ? Je ne le suis pas...

Etrangement, cette dernière phrase avait été dite bien moins fort que les autres. C'était presque une manière de s'en convaincre, que de la répéter comme cela ; et pourtant, ça ne faisait que trahir son manque de confiance dans ce qu'elle affirmait.
Quelques visions de ses parents effrayés par son pouvoir repassèrent en boucle dans son cerveau.

- Qu'est-ce que tu...

Un lit noir de sang séché, une voix au ton aussi accusateur qu'apeuré. A cet instant, Sinead affichait une mine très sombre. Elle pleurait presque ; mais un reste de force retenait ses larmes. Dans son souvenir, elle pleurait.

- ... qu'est-ce que tu es ?!

Portant sa main sur sa bouche à l'évocation de ce souvenir brûlant, Sinead, au bord du malaise, s'appuya sur le bar.

- Qu'est-ce que tu es ? - Inhumaine.

Incapable d'en soutenir plus, Sinead s'en alla du bar, se dirigeant vers les toilettes.
De son passage au bar ne restait plus que quelques gouttes d'eau salée, tombées sur le sol.

(Euh... suite... soit "aux toilettes" et je créérai le topic, soit dans un autre topic du Saturday Night, mais un peu plus tard... (et donc ellipse.)
Notez bien que les paroles en gras sont des pensées de Sinead, et qu'encore une fois je n'assume pas ce qu'elle dit XD. Elle non plus d'ailleurs !)

Les choses se passaient un peu trop vite pour que le cerveau quasi reptilien de Yasha sorte de sa torpeur et réussisse à les enregistrer et à les analyser afin qu'elle comprenne tout. Néanmoins elle avait saisi plusieurs détails. L'homme qui avait failli venir lui parler était étranger, il ne parlait pas bien la langue et il avait dit qu'il était perdu. Yasha correspondait aussi à ces deux caractéristiques, pourrait-on objecter pour contrer son analyse, mais elle savait qu'elle avait un statut particulier et que peu de personnes seulement avaient été élevées dans une cave. Les deux autres personnes se disputaient à son sujet. Pourquoi ? Ça, elle n'était pas sûre de comprendre. Ils étaient en colère parce que... Ils voulaient tous les deux êtres gentils avec l'étranger ? C'était étrange... Doris était-il charismatique à ce point, pour pousser deux personnes à en venir presque aux mains dans le seul but d'avoir l'honneur de le servir ? Pour elle, il ressemblait plutôt à un clochard qu'à autre chose et elle ne se serait certainement pas battue pour lui.

Du moins, elle ne lèverait pas le doigt tant qu'elle ignorait qu'il était en fait un de ses compagnons d'armes. En parlant de ça... De quoi parlait donc le "cowboy" ? Pas normal ? Mutant alors ? Et la fille... Mutante aussi ? Comment le savait-il ? Ça n'était pas écrit sur son front. Si ? Alors que l'albinos plissait les yeux pour vérifier qu'il n'y avait pas un message gravé sur le front, la brune s'en fut. Ça n'allait pas ?

Normalement elle ne se mêlait pas des histoires des autres. Surtout qu'en général, on n'acceptait pas son aide. Aide maladroite certes, mais pleine de bonne volonté. Mais il s'agissait d'une mutante et, même si Yasha n'en saisissait pas la cause, elle n'avait pas l'air d'aller bien... Elle se leva donc pour la suivre aux toilettes, prête à lui porter secours.

[désolée, c'est court ^^' ]

* Ah, bah, Sénilde s'en va ? *

Il avait à peine eu le temps de tremper ses lèvres dans le calorifique breuvage lorsque Sinead eut son coup de spleen, cette « étrange perturbation » pensa Doris. Quel dommage, il venait à peine de repérer dans son livre la traduction des mots et expression comme « en effet », « bien » et autres.
A un moment il rougit, le nez collé aux feuilles de papier devant la signification du terme employé par Jared : « bordel ». Il n'en fallut pas plus pour que le suédois, qui ne connaissait rien à la vie et dont la barrière de la langue n'arrangeait rien, comprenne tout de travers.

* Allons bon, ce lieu serait un bordel ? J'avais raison, ils se connaissent et en fait ces filles sont en quelque sorte la « possession » de cet homme. J'ignorais que ce genre de pratiques avaient lieu ici, en Amérique. * Et rapidement il échafauda des hypothèses toujours plus saugrenues.
* Donc si je reprends bien ce typez est aussi le propriétaire du coin, le « maquereau » en quelque sorte ? Il est mal habillé quand même... *

Cette dernière pensée pouvait sembler décalée venant de la part d'un quasi-clochard mais n'oublions pas qu'il avait à l'époque l'habitude de voir des gens habillés en costume, cravates, chaussures irréprochables... Bref, très loin du cowboy en jean.
Mais où en était le jeune garçon de ses tribulations mentales ?

* ... Oui, en fait c'est quelqu'un de peu scrupuleux ! D'ailleurs c'est ce qu'on m'avait raconté sur la Confrérie, qu'elle est habitée par des personnes qui se soucient peu du genre humain en général.
Donc cette personne est un confrère ! Et même, s'il possède un harem c'est peut-être aussi lui qui me trouvera des cobayes pour bientôt ! *

Pendant tout ce temps il regardait dans le vague ce qui se passait, surtout le départ de Sinead et sa poursuite par Yasha. La bouche mi-ouverte, un léger filet de bave la reliant à son pantalon, le garçon eut à peine le temps de se ressaisir et de fouiller dans la jungle de mots pour pouvoir s'exprimer enfin avec l'hypothétique confrériste.

« Je Confrérie comme tu et souhaite des femmes. »

C'était très certainement mal dit et à fort double sens mais quand on maitrise mal un langage c'est malheureusement ce qui arrive, vivement qu'il fasse des progrès.
D'ailleurs il espérait rapidement quitter ce lieu et retourner là d'où il avait installé sa chambre afin de prendre contact avec les autorités supérieures et voir s'il pourra avoir son laboratoire bien à lui. Dans un but purement scientifique bien sûr il fera quelques essais sur des humains, s'il arrive à en obtenir ce soir.

[HRP : viennent de la bibliothèque]

Il fut sûr que quelque chose n'allait pas, en la voyant réagir ainsi. Après tout, peut-être qu'ils ne se connaissaient qu'à peine, mais il avait l'impression de comprendre chacun de ses gestes, comme s'ils se voyaient depuis toujours. Et il ressentit une gêne, entre eux. Oui, il y avait un problème, mais il ne savait pas qu'ils se sentaient mal, tous les deux, et que ce sentiment n'avait pas lieu d'être.

A vrai dire, l'un et l'autre avaient apprécié ce moment d'intimité qu'ils avaient vécu à la bibliothèque. Non, plus encore, ils auraient pu aller plus loin, et le faire durer encore plus longtemps. Mais voilà, il avait cru la gêner, et elle pensait avoir fait quelque chose de mal. Ils s'en voulaient, mais s'ils s'étaient dit ce pourquoi ils allaient mal, la situation se serait débloquée. Ils en auraient peut-être rit.

Jack, sentant le malaise qui s'imposait entre eux, ferma les yeux derrière ses lunettes bleutées. Il ne savait pas vraiment quoi dire. Il la regarda se rhabiller, elle, dans ce manteau noir. Aussi noir que les ombres qui suivaient l'homme qui l'accompagnait. Ils avaient l'air si sombres, tous les deux, et peut-être que cette noirceur était le premier point commun qui pouvait frapper ceux qui les rencontraient. Lorsqu'ils eurent quitté la bibliothèque, il déposa un baiser envoûtant sur les lèvres de la jeune fille, et il lui prit la main, en lui décochant un sourire rassurant.

-Excuse-moi de m'être arrêté, mais j'ai senti mon pouvoir faire quelque chose d'étrange... et ça m'a un peu coupé...

Et puis, elle, si petite, et lui, si grand, ils s'étaient dirigés vers le Saturday Night. Parce qu'avant de reprendre un temps d'intimité, comme il l'avait dit, il préférait danser un peu avec elle. Bon, en même temps, là-bas, ce serait certainement de la musique pour les jeunes, et il se sentirait probablement perdu. Tant pis, au moins, ils s'amuseraient. Et le reste de la nuit serait... comment dire ? Il voulait que cela soit idyllique.

Ils entrèrent dans le Saturday Night. Jack ne savait pas que c'était une soirée déguisée. Les gardes ne leur firent aucune réflexion à l'entrée. Entre la beauté de la robe de la jeune fille, et le chapeau haut de forme de Jack, qui semblait de toutes manières constamment sorti du XIXe siècle ; l'idée qui se dégageait de ce couple donnait l'impression qu'ils étaient déjà costumés. Jack s'avança un peu dans le bar, sans lâcher la main de Ksenia. Il esquissa un signe de la tête à l'intention de Terry, puis prit place non loin de la piste de danse.

Etrangement, au milieu de tous ces gens, ils pouvaient se sentir un peu seuls. Giant Jack enlaça Ksenia, et se pencha pour déposer un baiser dans le creux de son cou.

-Je suis désolé pour tout à l'heure, je suis un peu bête. Tu ne m'en veux pas, hein ?

Même s'il s'était arrêté, il avait au moins fait, semblerait-il, un pas de plus dans leur relation. Ses caresses étaient plus insistantes. Jack sourit doucement, même si elle ne le voyait pas. Ses yeux fixaient la piste de danse, avec une sorte d'envie. Alors, cédant à ce désir soudain, il lui murmura à l'oreille.

-M'accorderiez-vous une danse, demoiselle ?

A la surprise de Jared, Sinead n’avait pas pris sa phrase de la bonne manière. Pour lui, être qualifié de non-humain était presque un compliment. De la même manière que si une personne avait traité la jeune femme de princesse au lieu de souillon. Mais l’expression de surprise et la sorte de rage contenue de celle-ci prouvait bien que ca n’était pas exactement ce qu’il fallait dire.

Pour la première fois depuis son arrivée, Jared sentit une poussée d’adrénaline, cette sensation merveilleuse qui accompagnait toute perspective d’affrontement. Une jolie femme inconnue avec de possibles pouvoirs étranges, voilà qui lui plaisait. Mais il se contrôlait assez pour ne pas envisager sérieusement un affrontement.

Il se risqua à une explication tranquille :
« Wow ! Comment t’y vas fort ! Inhumaine c’est pas le mot, moi par exemple je suis un être humain mais pas un gus normal tvois ? C’est pas une insulte ! » Dit-il en se voulant rassurant. C’était la première fois qu’il rencontrait quelqu’un qui prenait mal ce fait.

« Si t’étais pas humaine, tu serais pas ben .. comme tu es et pis tu réagirais pas comme ça ! Tvois ! Alors reste Zen, si tu veux jte paye à boire pour me faire pardonner. »

Puis il s’aperçut que la demoiselle n’allait vraiment pas bien. Elle s’était accrochée au bar et fila vers les Waters.

« Mais je… » S’exclama t’il, déconcerté.

Puis il se tourna vers Doris qu’il avait presque oublié, au moment où celui-ci lâchait sa phrase décousue mais pleine d’enseignement.
« Les femmes ? Ah ouaih c’est impo…. La Confrérie tu dis ? C’est pas le repère des terroristes branques ça ? » Demanda Jared, visiblement intéressé.

[de retour des Toilettes]

Peut-être qu'un jour quelqu'un prendrait le temps d'expliquer à Yasha que dans la vie, tout n'était pas noir ou blanc. Que tout se déclinait en nuances de gris plutôt. Qu'il n'y avait pas les méchants d'un côté et les gentils de l'autre. Et aussi que dans l'un comme dans l'autre, toute la population masculine n'était pas exclusivement composée de violeurs et d'assassins et qu'elle pouvait faire confiance à quelqu'un d'autre que Marcus... Un jour, peut-être.

- Qu'est-ce qui...

La surprise de Sinéad ne produisit aucune réaction chez l'albinos. Elle avait l'habitude. Elle ne lui avait montré que pour lui prouver que ne pas être humaine était loin d'être une honte. Rien de plus. Elle ne se sentait pas obligée d'en dire plus, et elle n'en avait pas envie. À quoi bon ? Personne ne pouvait imaginer... Elle se contenta de hausser les épaules et de répondre d'un ton neutre :

"Rien... Vieille histoire."

Ça ne la dérangeait pas qu'on lui pose, mais elle n'allait pas se forcer à répondre...

- Je... je m'appelle Sinéad. Sinéad... O'Hegarty.

"Mon nom est Yasha... Yasha Kishino-ori."

Pourquoi au moment de dire son nom de famille, en réponse à Sinéad, avait-elle failli dire Nightmare ? Peut-être parce qu'elle avait tellement intégré son appartenance à la Confrérie que son identité même s'en trouvait modifiée... C'était après tout la première fois qu'elle appartenait à une structure sociale. Car oui, elle n'était complètement associale. Elle était comme une créature d'un autre monde balancée sur Terre sans la moindre notion de nos usages. Cela ne la rendait pas mauvaise pour autant.

- Vous ne voulez pas... sortir ?... Je veux dire, ailleurs que les... toilettes.

"Si... Ça serait mieux."

Elle esquissa un sourire. C'était tellement rare que la mutante elle même paraissait étonnée qu'il ne se trouve là... Elle poussa la porte et entra à nouveau dans la salle. Le brouhaha qui avait été filtré l'assaillit et elle cligna des yeux, comme sous l'effet d'un choc, avant de s'acclimater et de retourner en direction du bar...

(désolée pas trop d'inspi ^^)

Dans un coin de la grande salle, un individu à l'aspect ravi souriait de toutes ses dents, il tenait entre ses doigts un cigare cubain. Visiblement, le personnage appréciait l'ambiance.

Il était accompagné de deux raivssantes jeunes femmes au regard fuyant vêtues très ... légèrement. Jupes courtes et décolleté plongeant, qui ne serait pas jaloux ?

Debout, juste à coté de la table et dos au trio se tenait un très grand homme très 'sec'. Habillé d'un long manteau en cuir tombant et d'une sorte de "filet" noir en guise de tee-shirt.

En un claquement de doigts, entre deux flashs de lumière provenant la scène, disparurent les deux ravissantes jeunes femmes.

Très cher ami, que la soirée commence !

Dit-il à son poteau qui ne put réprimer un sourire ingrat dont on se serait bien passé. Di Smorgia ne le voyait pas, de toute façon, et tant mieux pour lui.

Bonne année, Boston.

~ ~ ~ ~ ~ ~

Quelques tables plus loin, Lavinia déversait dans chaque bouteille et chaque verre à sa portée un liquide opaque et épais dont il ne valait mieux pas connaître l'origine. Invisible, mais mortel, le poison se déverserait dans les veines de chaque mutant, au plus grand bonheur de Di Smorgia, son maître !

Mais elle savait Rosalia non loin, elle "sentait" sa présence malgré les bulles d'invisibilités qui leur permettaient de se mouvoir sans danger dans le vaste bar. Chacune était dotée de plusieurs minuscules éprouvettes qui contenaient le poison mortel.

Chaque verre, chaque bouteille. C'était les mots du Vénitien.

Lavinia eut toutefois un regard pour l'une de ses victimes. Il discutait, insouciant du danger, et sans pouvoir être vue Lavinia versa quelques gouttes de la "liqueur" de Di Smorgia dans le verre du pauvre malheureux : un jeune tatoué au regard mordant.

Rosalia, de son coté faisait de même mais au bar. Derrière le comptoir, elle versait de fines gouttes de liquide dans les bouteilles ouvertes ou les verres à moitiés pleins. elle se souvint elle aussi des mots du Vénitien :

Ce soir, mes amis, c'est Notre soir ! Ainsi commencera la construction de notre nouveau Royaume, la ville la plus peuplée de mutants des États-Unis sera entre mes mains, j'ai nommé : Boston ! Je compte sur vous mes frères.

[Vient des toilettes.]

"Vieille histoire"... sans doute, mais douloureuse ? Sinéad était encore horrifiée, mais ces sentiments fuyaient peu à peu. La colère, la rage, la tristesse, le malheur, s'en étaient allés pour ne laisser que des yeux rougis et de l'indignation.
Un peu de gêne aussi, quand elle vit que Yasha reprenait la direction du bar... évidemment... la musique continuait toujours, et elle pensa qu'Ambre jouait elle aussi. Ambre... cette discussion - du moins, sorte de discussion, car Ambre devait écrire pour lui parler - avait été... bénéfique, en un sens. A la fois, elle trouvait que son opinion divergeait si vite... elle avait, sans aucun doute, trop les nerfs à vif.
Malgré tout, il lui fallait bien continuer. Continuer à... vivre. Ou à survivre.
Est-ce qu'elle vivait plus qu'elle survivait ou le contraire ? La réponse à cette question était confuse. En prenant du recul, elle se rendit compte que, réellement, cette... envie de vivre... dépendait de son humeur. Et son humeur était changeante... manque de sommeil... trop de caféine... et pendant déjà plusieurs mois. Et des cauchemars à foison quand elle s'endormait...
Est-ce que ce n'était pas elle-même qui créait ses propres cauchemars ? qui se plaçait dans une prison psychotique ? Est-ce que tout cela n'était pas un reflet de son âme ?
Elle aurait voulu se libérer de ses peurs. S'affranchir de ses limites, comme un passage vers un bonheur plus sûr, un monde plus calme. Qu'est-ce qui l'en empêchait ? Peut-être un manque de volonté, un manque de certitude, une noirceur profonde et des changements d'attitude si soudains qu'un rien pouvait la briser.
Calme.
Elle respira lentement, revenant doucement à un instant présent plus concret que ses pensées d'un bonheur métaphysique. La musique était toujours là... il y avait un peu plus de monde, un peu plus de bruit. Un rythme certain, invisible pour la plupart, s'imposait aux protagonistes d'un scenario déjà filé par une main maîtresse. Sinéad le capta un bref instant ; ses yeux s'écarquillèrent, son souffle s'arrêta, et elle resta ainsi, pareille à une morte songeuse. Elle oublia cette pensée et reprit sa marche.

L'esprit humain n'est-il pas ainsi incroyable ? Capable des plus grandes forces et des meilleures faiblesses, celui de Sinéad avait le don de la métempsycose onirique. Mais elle n'était pas faite pour celui-ci ; il avait suffi d'un mauvais songe pour que son esprit se créé des conditionnements insupportables, et alors d'onirique, son don était devenu cauchemardesque.
Et alors qu'elle analysait d'une savante science son don, son ego, il ne restait pas moins qu'elle espérait. Elle n'osait rien tenter, et rien dire, alors elle attendait quelqu'un... pour elle... Se voulant consciente du ridicule de sa pensée, elle ne la chérissait pas moins.
Elle attendait un Deus ex machina.

Peut-être était-ce cet espoir qui l'adoucissait, qui lui permettait de revenir vers celui qui l'avait offensé.

- Je suis... désolée... en partie, enfin.

Cela ne lui ressemblait pas. D'ordinaire, elle se serait arrêtée à son troisième mot. Mais elle voulait continuer encore. Ce ne serait pas en s'étouffant qu'elle avancerait. Si elle voulait pouvoir un jour dormir en paix, elle devrait faire des efforts.

- Les mots sont dangereux. Il faut faire attention à ce que vous dites... ils peuvent vraiment être... blessants.

Voilà. C'était tout ce qu'elle voulait lui dire, en fait... calmement... ou presque. Son coeur battait la chamade. Une envie folle de lui lacérer le visage la prenait, mais elle se terrait dans son coeur, face à sa volonté de ne pas plier face à ses instincts, à son inhumanité.

Une sorte de moue qui ressemblait à un sourire, c'est tout ce qu'elle put offrir à Jared. Et c'était déjà beaucoup.
Elle se rassit là où elle avait quitté le bar, reprenant par la même occasion son café. Une sorte de regard entendu proposait à Yasha de s'asseoir à côté d'elle.

- Vous êtes albinos.

Une simple constatation - pourtant, il y avait encore un certain ton d'interrogation dedans.

- Je trouve ça très...

Très quoi, au juste ? Comment expliquer cela ? Au-delà de sa surprise, il y avait quelque chose. Elle ne voyait pas en Yasha la peur ; c'était après tout sa consolatrice, et cela la sublimait. Comme une personne qu'on lui envoyait pour patienter avant son Deus ex machina.

- Beau, acheva-t-elle simplement. Calme, et apaisant...

Elle n'osa pas le dire, mais la couleur blanche lui était synonyme de pureté. Cette pâleur ostensiblement arborée par Yasha rappelait à elle le souvenir d'un Ange. L'expression d'un lointain s'afficha sur le visage de la mutante. Non, elle n'était pas plongée dans ses pensées... au contraire, elle ne pensait pas. Elle put fermer les yeux sans peine.

Quelques instants plus tard, elle les rouvrit, souriant légèrement à Yasha. Elle porta le café à ses lèvres, et, bien qu'il était froid, elle le finit tout de même.

Ses limites, elle voulait les affranchir... pour attendre un Deus ex machina.
Mais serait-ce un Ange ou un Démon qui sortirait de la machine ?

« Jblfreuflof… » murmura l’étranger en signe flagrant d’incompréhension. Ca ne signifiait rien, bien évidemment, mais c’était tout ce que lui inspirait la dernière remarque de Jared. Et même l’apparition de grands yeux noirs et démesurément vides qui percevaient le monde au travers d’un regard innocent, voire niais, ne parvenaient à camoufler une hébétude accablante.
Ses épaules se voutèrent aussi tant le fardeau était lourd à porter.

Mais passons, le strict minimum en matière de politesse ressortit en un « Tans pis. » mal prononcé avant de mourir au retour de Sinead, qui fut accompagné d’un début de mouvement du bras gauche en signe de salut dont les funérailles sont à organiser en même temps que celles de sa phrase.
« He… ! » commença-t-il avant de s’apercevoir qu’il n’attirerait pas l’attention. « … j… »

* Bon, tant pis, ce n’est pas bien grave. Qu’avons-nous ici qui mériterait un brin d’attention ? *

D’un rapide coup de tête il aperçut un couple, visiblement en bonne santé vu l’étalage de sentiments qu’ils démontraient. Doris aurait put vomir s’il n’en était pas dénué justement. Au lieu de cela il montait en lui un étrange sentiment de fatigue nerveuse, ce qui n’était guère mieux.
Peut-être était-il resté trop longtemps en contact avec ce qu’il appelait la "basse populace", des gens dont selon lui il n’y avait rien à apprendre, tout juste bons à être utilisés pour un ou deux essais sur la résistance du corps humain à certaines toxines. Et encore, certains meurent trop facilement.

Tentant de se reprendre il tenta de faire appel à ses autres sens que la vue.
De la musique était diffusée dans ce local et le volume sonore était à son goût bien trop élevé par rapport au volume d’air disponible. Sans compter qu’il n’aurait pas su définir ce qu’il entendait, était-ce si mauvais que ça pouvait être qualifié de musique ? Non, il avait trouvé une autre expression adaptée à ce phénomène : torture auditive, voire même torture psychologique. N’ayant jamais toléré le fait que "tous les goûts sont dans la nature" il imagina quelques traitements de circonstance à appliquer à ces "pseudo-brailleurs de mauvais goût".
Il était temps de changer de capteurs, et pour cela il se concentra sur son nez et sa myriade de chimiorécepteurs… avant de manquer de s’étrangler en toussant. * Le droit de fumer et de répandre cette saleté qu’est la cigarette, en voilà un qu’il serait bon de supprimer aussi * pensa-t-il rapidement en se raccrochant au bar, l’esprit vacillant légèrement embrumé. Et même une petite pensée pour les équations qui géraient les mouvements des volutes nacrés ne parvenait pas à effacer cette mauvaise impression que quelqu’un souhaitait l’étouffer.
Le goût alors ? Il était question précédemment de mauvais goût mais il avait eu le temps de finir sa tasse de chocolat chaud et même ce reliquat de bonheur avait prit une étrange tournure. Doris aurait pu en profiter pour réfléchir sur les qualités éphémères du plaisir mais, au lieu de ça, il reposa sa tasse, la lorgnant d’un œil avide en se rappelant du précieux liquide qui s’y trouvait peu de temps avant.
Pour le dernier sens du toucher l’enfant frigorifié se sentait mieux et tenta de partager malgré tout un regard de gratitude avec Sinead. Il ne pouvait faire plus.

Il retourna ses pensées vers Jared et regretta presque son abandon de la discussion. Après tout il était dans un pays qui lui était étranger et il lui faudrait bientôt maitriser ce langage pour être efficace.
Rassemblant le peu de courage et de bonne volonté qui le caractérisaient il demanda au cow-boy d’éventuelles précieuses informations pour quelqu’un qui ne connaissait pas la ville.

« Heu… Dis à moi, quelle lieu je dois rencontrer pour aide ou plus ? »

Tout en agitant les mains de façon assez ridicule pour se faire comprendre bien entendu. Les étrangers peuvent-ils tous l’être ?

(post court histoire de poursuivre et de continuer le scénario )

Yasha était bel et bien fière d'elle. Elle avait consolé quelqu'un. Bon point. Elle avait ramené cette personne sur les lieux de la confrontation, et cette dite personne s'était excusée. TRÈS bon point. Et en plus, Sinéad lui proposait de s'asseoir avec elle. Non ? Elle avait réussi ? Elle avait socialisé avec quelqu'un ? Une vraie inconnue en plus ?
Intérieurement radieuse, extérieurement lugubre et inexpressive, Yasha s'assit aux côtés de la brune. Pendant un instant, elle avait pensé à prendre son café sur l'autre table... et finalement non. Elle n'aimait pas ça chaud, alors froid... Même elle avait payé pour cette boisson, pour cette boisson d'adulte, et qu'elle détestait le gaspillage...

- Vous êtes albinos.
[i]
Un simple hochement de tête affirmatif lui répondit. Oui, albinos, elle connaissait. On lui avait expliqué. Les médecins lui en avaient parlé. Lui avaient dit deux ou trois choses à propos du soleil qui provoquerait des brûlures. Ce genre de truc. Rien de palpitant à ses yeux.

- Je trouve ça très...

Très quoi, au juste ? Effrayant ? Bizarre ? Hideux ? Sa peau pâle laissait par endroit apparaître ses veines, et ses cernes en paraissaient d'autant plus marquées. Ses yeux bleu glace avaient l'air aveugle, voir même d'être en verre. Et son corps frêle évoquait celui d'une enfant malade... Yasha le savait bien.

- Beau, acheva-t-elle simplement. Calme, et apaisant...

Sinéad se moquait ? Il lui semblait que non. Calme et apaisant... Elle qui n'était qu'une boule d'angoisse ? Elle en resta songeuse un instant.

"Merci..."

C'était bien là la réponse appropriée, non ? C'était ça qu'on devait répondre à un compliment, n'est-ce pas ? Et c'était vraiment un compliment ? Socialiser n'était pas chose facile... Pour se donner un contenance, elle se força à faire rebondir la conversation, tripotant les ourlets de sa robe blanche à froufrous.

"J'aime mieux votre couleur..."

Ça n'était pas brillant-brillant comme réplique mais ça ferait bien l'affaire pour ce soir...

Edit : n'oublie pas que l'atmosphère vient de changer et que le comte vient de se révéler... comme tu ne l'as pas fait, il faut que Sinead en tienne compte dans son post ^^ (Sam)

[HRP]Désolé à Ksénia d'avoir zappé son tour, j'espère que tu ne m'en tiendras pas (trop) rigueur...[/HRP]

La fête battait son plein, du moins pas à la définition de tout le monde, surtout quand tout le monde représente un nordique qui n'a aucun sens musical.
Et soudain retentit le son tonitruant, demandant le silence. C'était un phénomène étrange selon Doris puisque la voix semblait provenir directement de sa tête, comme si elle avait malencontreusement omis de prendre le chemin habituel des oreilles jusqu'au cerveau. Et à en juger par l'attitude générale il n'était pas le seul à l'avoir entendu, ce bruit désincarné et pourtant tellement vivant.

Alors qu'un être humain normalement constitué, c'est à dire les 90 % de la salle, aurait prit ses jambes à son cou, lui ne bougea pas de son siège.
Non seulement il fallait avouer que les tabourets surélevés du Saturday était très confortables et certainement d'excellente facture, mais en plus un tel paradoxe physique – un son transporté dans la tête de plusieurs centaines de gens sans besoin d'air – ne manquait pas d'attiser la curiosité de notre scientifique en herbe. Il songea à comment c'était possible lorsqu'une sorte de clown fit son apparition.

* Ah, enfin de quoi égayer la soirée, je ne savais pas que les propriétaires pouvaient se permettre ce genre d'animation. *

Voilà ce que pensa Doris en voyant Kenjiss planer au dessus de la foule. En effet, il allait y avoir de l'animation, mais il était encore difficile de se rendre compte à quel point. D'ailleurs le coup d'envoi parti très rapidement sous la forme d'une bouteille.

N'écoutant que son intuition le suédois se retourna, marqua un temps d'arrêt et saisi le poignet de la jeune femme en pleine action. Profitant de l'effet de surprise il serra ce membre jusqu'à lui faire lâcher son arme et, continuant dans la foulée, saisi Sinéad au-dessus de lui et la projeta violemment loin dans la scène.

* Oui, c'est ça que j'aurai dû faire * pensa-t-il allongé sur le sol, un mélange de verre brisé et d'alcool lui coulant dans la nuque. La puissance de l'imagination en fait, ça ne servait pas à grand chose dans ce cas mais au moins ça avait le mérite de remonter le moral au jeune guerrier.

Non, reprenons les événements : la bouteille avait fait mouche et Doris, étendu par-terre, prenait le temps de s'imaginer ce qu'il aurait fallu faire pour éviter cette douleur qui lui dérangeait l'échine. Sans même prendre en compte qu'il en était incapable. Seul le rêve comptait. Le rêve... Est-il permit de rêver en pareille circonstance ? Non, certainement pas, c'est ce qui poussa l'étranger à agir. Et commencer à se relever était une bonne chose, ce qu'il fit, car il fait toujours bien. Ou presque.

Une fois debout il sentit la terreur, qui poussait les gens à fuir, mais il fallait qu'il comprenne. Donc il décida de rester et observa rapidement : une furieuse qui tentait de l'assommer à grand renforts de bouteille et – ô surprise ! – un écran de fumée, il fit rapidement un lien entre les deux et tendit une main en avant. Il en surgit alors, issu de nulle-part, un disque noir de la taille d'une assiette interposé là comme un bouclier. Un autre disque apparut au dessus du comte.
La fumée filtrait légèrement du trou noir, mais Doris se savait protégé de la furieuse tant qu'il serait là. En guise de test il saisit un verre au contenu non identifié et l'envoya rejoindre le quatuor de manipulateurs avant de lever les yeux au dessus de lui.

Écarquiller les yeux est un peu faible pour décrire ce qu'il fit, on peut donc aussi rajouter que, sous la panique, il prit sa tête entre ses mains et se lova dans une position foetale sous le coup de la peur que lui inspirait cette vision. D'où un certain manque de concentration. D'où la disparition de sa maigre protection noire comme l'ébène. D'où une totale disposition à se faire taper et/ou se faire marcher dessus par la foule unanimement terrorisée.

[HRP]Doris envoie de quoi boire au comte (car la télépathie donne soif, c'est bien connu...). Je lui laisse le soin de déterminer ce dont il s'agit.[/HRP]

(bon bah tant pis pour les autres, j'ai attendu :/ )

Yasha était assise bien sagement, les mains toujours occupées à triturer la dentelle blanche dans laquelle elle était drapée, écoutant Sinead sans comprendre.

- Je pense que... il vaut mieux s'accepter... parce qu'il y a des choses qu'on ne peut pas changer. A force, on en oublie ce qui est important...

Des choses qu'on ne pouvait pas changer ? Dans ses oreilles résonnaient encore les discours de la Confrérie. "Nous changerons le monde !" Le monde, c'était bien plus difficile à changer qu'une personne seule, non ? Bien plus grand, bien plus compliqué... Et qu'est-ce qui était important ? Marcus. La Confrérie.
Là où Sinead cherchait à transmettre un message de paix avec soit-même, Yasha lisait une incitation encore plus grande au fanatisme. Il fallait oublier ses propres émotions pour se concentrer sur ce qui était important... Son clan. Sa meute.

Avant qu'elle ait eu le temps de penser à une réponse adéquate et grammaticalement correcte, la jeune fille aux cheveux noirs se leva et posa ses mains de part et d'autre de sa tête, visiblement en proie à une grande douleur. Inquiète, l'albinos se redressa légèrement sur sa chaise, tendant une main timide vers son... amie ? , désireuse de l'aider. Mais quand ses yeux rencontrèrent les siens, elle se recula, un frisson lui parcourant l'échine. QUI donc était la personne aux yeux morts qui lui faisait face ?

Elle regarda dans la même direction que Sinead... Un grand homme aux allures de mécène italien se frayait un chemin à travers la foule silencieuse, imposant par la pensée crainte et respect. Les deux jumelles toujours à ses cotés et le visage blême de Pado' fumant sa "clope" les suivant de près. Di Smorgia s'adressa à la foule.

"Mes amis, je suis désolé de devoir interrompre votre petite sauterie - qui entre-nous est tout à fait excellente - mais je dois mettre à l'épreuve mes nouveaux acolytes.

Voyez-vous, ici même sont présents nombre de mutants et pour des raisons que je laisserais obscures pour votre plus grand bien, je me dois de demander à certains d'entre eux ..."

La tonalité de sa voix se fit plus grave, plus menaçante et bien plus froide.

"... De me débarrasser, et ce, le plus rapidement possible, de toute personne capable de me faire du mal, à moi et les trois personnes qui m'accompagnent.

Allez-y, mes frères !"

Yasha ne comprenait qu'une chose : cet homme était puissant. Cette constatation calma un peu sa crainte, réveillant... de la curiosité. La poupée de porcelaine ne pouvait jamais faire comme les autres. Ses émotions étaient toujours en décalage, jamais adéquates à la situation. Là où d'autres fuyaient en courant, elle restait là, observant le déroulement des événements avec intérêt. Elle ne se sentait pas en danger, le Comte avait demandé de tuer les gens capable de lui faire du mal. N'en ayant pas l'intention pour le moment, elle ne voyait pas le besoin de fuir ou de se cacher. Personne ne l'avait attaquée, elle n'avait pas non plus besoin de s'en prendre à qui que ce soit. Et ne connaissant personne dans le bar, elle n'avait aucune raison de défendre qui que ce soit.
Doris s'écroula sous le choc du coup de bouteille, ne provoquant chez elle qu'une inclinaison curieuse de la tête. Est-ce qu'il était mort ? Il se redressa. Ah non. Solide le bestiau...

Le déferlement de pouvoir attirait son attention, à l'aise comme un poisson dans l'eau, ou plutôt comme un chaton curieux au milieu d'un troupeau de hachoirs... L'écran de fumée la fascinait tout particulièrement. Comment pouvait-il faire une barrière si solide avec quelque chose d'immatériel ?

Mais quand elle accéléra, Yasha réalisa -enfin- qu'il était temps de battre en retraite, et opéra un retrait stratégique derrière le bar, au milieu des bouteilles. On ne savait jamais.

Il se relevait ? Elle était assez surprise. Pourtant, il semblait chétif... un mutant ? Non, elle s'en fichait, après tout. Elle n'avait pas frappé assez fort, voilà tout.
Gardant le reste de la bouteille dans sa main, elle frappa à nouveau, et aperçut un disque noir entre eux. Sa main se bloqua dessus, comme si elle avait frappé un mur... Mais elle la retira tout de suite, et réfléchit. C'était sûrement lui. La protection noire était un peu étrange, mais elle ne semblait pas dangereuse. Et puis, de toutes façons... elle n'aurait qu'à faire quelques pas de côté.
Ce qu'elle fit aussitôt : se déplaçant rapidement, l'infectée constata peu après que ce fut inutile : la barrière s'était abaissée, et laissait Doris sans protection. Qu'est-ce qui avait pu lui inspirer un tel mouvement de crainte ? Parce que vu sa position, il avait peur de quelque chose... elle leva les yeux de même, et vit la main au plafond. Un frisson la parcourut, son sang se glaça à cette vision plutôt... particulière et macabre. Mais elle ne fléchit pas pour autant. Se reprochant d'avoir perdu du temps à regarder cette main - qui, qu'elle fût réelle ou illusion, ne la préoccupait pas pour le moment, car elle ne voulait pas de mal au Comte -, Sinéad se mit à frapper encore Doris. Plusieurs fois. Cette fumée qui avait apparu par ce trou noir était la même que celle qui bordait le Comte...

- Qu'est-ce que tu veux faire au Comte ?! Je ne te laisserai pas le toucher, tu n'en as même pas le droit !

Malheureusement, le reste de la bouteille se cassa. Elle marcha, d'ailleurs, sur ces restes, mais étant donné qu'elle portait des chaussures, c'est à peine si elle le remarqua.
Une autre arme, trouver quelque chose d'autre... elle alla chercher, en courant le plus rapidement possible, la première chose qui lui tomba sous la main. Ce fut donc avec une autre bouteille qu'elle revint à la charge sur Doris.
Mais tout cela lui avait pris quelques temps (eh oui, étant en robe de soirée et pas vraiment agile, Sinéad, même en courant, était peu rapide), et déjà un autre ordre lui parvenait.
S'en aller. Tout de suite.
Elle ne prit pas la peine de réfléchir dessus. Cela lui paraissait l'évidence même : il fallait qu'elle s'en allât, à l'instant même, tout comme il était nécessaire qu'elle respirât.

Se désintéressant totalement de Doris, Sinéad (si on peut dire qu'il s'agit d'elle, bien sûr) courut pour atteindre la sortie. Elle regarda au passage les quelques ravages du combat : chaises par terre, de nombreuses choses en désordre... mais après tout, peu lui importait.
Elle sortit du Saturday Night en se précipitant, peu avant que le bouclier de fumée n'explosât, causant ainsi encore plus de dommages à la boîte de nuit.
Elle était dans l'air frais, et avait un peu froid. Mais ça, peu importait. Peu importait également qu'elle toussât - réaction un peu tardive à sa promenade, les pieds nus, sur la neige du parc, lorsqu'elle était encore possédée de volonté. Maintenant, elle avait un objectif. Servir le mieux possible le Comte...
Une jeune fille alla donc rejoindre le Hangar 0002 du Massachusetts Port Authority, vers minuit le jour de l'an. Pour servir le Comte.


(Suite ici.)