Promenade en bordure de quais

=> Confrérie


La ville était en pleine effervescence. Comme d'habitude. Comme toutes les grandes villes. L'après-midi débutait, un soleil - pale et à la lueur timide certes, mais présent - brillait entre les traînées blanchâtres des nuages qui s'amoncelaient au dessus des immeubles, et une foule de gens, bigarrée et dépareillée, se bousculait sur les pavés. De grands immeubles où s'empilaient bureau sur bureau, de compagnies aussi diverses que variées, s'élevaient et projetaient leur ombre glacées sur le béton, et l'on ne pouvait s'empêcher de frissonner à chaque fois que l'on franchissait la limite, pour quitter le soleil et entrer dans l'ombre des monstres d'acier, pour quelques pas du moins. La température, fraîche mais moins qu'elle ne l'aurait dut à cette époque de l'année n'empêchait nullement les touristes de s'extasiaient bruyamment et de faire crépiter leur flash, ni les marchands clandestins de souvenirs de s'époumoner dans la joyeuse cohue.

Mais Boston ne se résumant pas à cela, une agitation décuplée régnait près des docks. Les immenses paquebots accostaient au loin, sur les quais bien entretenus et pavés des compagnies de voyage, tandis que, près des immenses hangars de bois qui se découpaient sinistrement dans le contre jour, les gros bateau de pèches déversaient sur le béton froid et grisâtre le produit de la pèche matinale, ou celle de la nuit entière. L'on criait, l'on gueulait d'une voix forte, l'on s'interpellait bruyamment. Les gros caissons contenant diverses marchandises s'écrasaient avec fracas sur le quai, lorsque ils étaient déchargé au moyen de cordes poulies mécanisées. On était loin des ascenseurs électroniques des grandes compagnies, mais le pittoresque tableau attirait le regard.

Un jeune homme se promenait sur le bords du quai, à moins d'un pas du vide, le regard courant machinalement sur l'eau, en dessous de lui, sombre et huileuse. Les mèches blondes dépassant sous la capuche de son sweater foncé, grand, mince, les mains fourrées dans les poches du vieux jean qu'il portait, il avait le regard égaré et flou et le visage sombre. Il marchait d'un pas rapide, envoyant de tant à autres bouler un cailloux ou un tessons de bouteilles verdâtre jusque dans l'eau sale du port.

Evan leva le museau vers le pont du bateau qu'il longeait. Machinalement, sans vraiment le voir. L'endroit ressemblait étrangement à un autre endroit, bien que l'atmosphère et les gens y soient différents. On y retrouvait la même misère, les mêmes cris et la même odeur de poisson. Bien que cela puissent s'appliquer à tout les ports du monde.

Jouant machinalement avec la chaînette d'argent qui pendait sur son poignet gauche, mains toujours dans les poches, il sentit son ventre crier famine. Mmh... il semblait être midi passer depuis un bout de temps. Les heures qu'il avait passé à parcourir Boston étaient passées bien vite. Depuis qu'il avait quitté le bâtiment de la confrérie en direction de la ville. Ses pas l'avaient instinctivement emmené près du port. Un port qui n'était pas le sien mais qui lui ressemblait tout de même. Il devrait penser à déjeuner quelques part. Mais il n'avait aucune envie de s'en aller.

Le jeune homme s'engouffra entre deux rangées de conteneurs rouillées. Des éclats de voix lui parvinrent, étouffés, semblant provenir de derrière l'empilement le boites de conserves. Evan, tendant une oreille distraite, ne parvint qu'à saisir que quelques mots, au vol. Mû par la curiosité, il ralenti le pas et contourna le mur. Une curiosité innocente bien évidemment.

[ L'Institut]

Alex en avait un peu ras le bol d'accueillir les nouveaux, après tout s'était pas son taf ! Il décida donc avant de partir de redonner le double de la clé de la chambre d'Eldrid au majordome, Edouard, avant de partir faire un tour à pied, il en profita pour partir vers Boston, en tant que teleporteur s'etait pas difficile de se déplacer plus rapidement.

Arrivé en ville il se posa sur un des nombreux toits des immeubles de la ville, de la haut il aperçut le port et n'ayant rien d'autre à faire décida de s'y rendre, après tout il y avait peut être quelque chose à faire la bas, il y allait déjà pas souvent aux ports alors tant qu'a faire autant y faire un tour pour une fois. Et puis tant qu'a perdre sa dernière journée avant les cours.

Les mains dans les poches il continua son petit bonhomme de chemin, contiuant de passer par les toits des immeubles et bientot ceux des hangars. Personne avait remarqué le jeune homme, à la longue veste de cuir noir et aux lunettes teintées posées sur son nez, debout au sommet d'un grand hangar de taule à moitié rouillées par les intempéries. Evidement l'agitation du port laissait peu de temps aux gens de jeter un coup d'oeil en l'air sur les toits.

*Et ben, y en a de l'agitation ici pour un dimanche*

il respira profondement l'air du port

*Bon sang sa pu le poisson ! argh vive la mer*

Evan, posant les mains sur l'acier froid, s'approcha sans bruit de l'origine des voix, contournant le caisson. De la voix. Donnant à moitié le dos à Evan, un homme plutôt baraqué était appuyé nonchalamment contre le mur d'un hangar. Un micro logé dans l'oreille, il semblait en grande conversation avec un interlocuteur invisible. Conversation assez agitée d'ailleurs. L'endroit où ils se trouvaient étaient un peu à l'écart de l'agitation du port. Donnée calculée sûrement par le bonhomme. Le jeune homme entra un peu plus dans l'ombre du conteneur, ne voulant pas être repéré. Son regard s'arrêta sur une bosse caractéristique, dans la chemise de monsieur muscle. Le gars était armé. Ce qui ne fit que piquer la curiosité du jeune homme plutôt que de l'effaroucher.

Doutant qu'il ne s'agisse d'un quelconque policier en civil, Evan prêta l'oreille. Il ne connaissait rien de Boston, mais en apprendre ce qui pouvait bien se passer dans les ruelles mal fréquentées pouvait se révéler intéressant.

- Mais bon dieu ! Elles devaient arriver y'a deux bonnes heures ! Et toujours rien ! gueula l'homme, sans besoin aucun, l'extrémité du micro se trouvant à quelques centimètres de sa bouche.

Le géant semblait avoir du mal à s'exprimer dans le vide et, à défaut de s'en prendre à la personne au bout du fil, ou plutôt des ondes, se mit à faire les cents pas. Ce qui ne permit pas pour autant à Evan d'entendre ce que répliquait l'autre.

- Mais merde ! bien sûr que j'ai surveillé, tu crois que je fous quoi ici pauv' con ?!

Surveiller quoi ? Qu'est ce qui devait arriver ? Bonnes questions. Que pouvez-t-on apporter clandestinement par bateau. Des tas de choses. Des armes, de la drogues... Rien qui ne l'avance.

Le jeune homme jeta un coup d'oeil alentour. Un brusque mouvement attira soudainement son attention. un tache de couleur qui venait de surgir du néant. Et, chose encore plus improbable, elle semblait avoir choisit comme point de chute le toit du hangar sur lequel s'appuyait l'homme de main.

Evan plissa les yeux et leva la tête. Le contre-jour ne lui permit que d'entr'apercevoir une silhouette sombre. Humaine ? Mutante plus sûrement. Un mutant sur le toit du hangar. Et merde, mais il se passait quoi ? Hasard ? Peut être. Pas sûr. Et appartenait-il à la confrérie au moins ?

Le blond, dos à la paroi d'acier, fronça les sourcils. Si le mutant attirait l'attention de l'homme, il ne savait pas ce qui pourrait se passer. Et, contrairement à l'autre, lui ne faisait pas dans la disparition instantanée.

Evan, fronçant les sourcils. Gardant toujours un oeil sur la silhouette humaine, perchée sur le toit du hangar, il observa l'homme décrocher son oreillette et la fourrer rageusement dans la poche de sa veste. Apparemment, tout ne tournait pas rond pour le gars. La marchandise n'était pas arrivée ? Il ne tenait pas spécialement à ce que ça lui retombe dessus. Pas qu'il eut peur... mais il n'était pas armé lui. Il était jeune lui. Et il aimerait mieux ne pas commencer sa visite des quartiers Bostoniens par une échauffourée foireuse avec un gars de la pègre. Par prudence. D'autres auraient juste suggéré de ficher le camps. Mais ce n'était pas dans les habitude du jeune homme.

Evan hésita entre se montrer - pour essayer dans apprendre plus, au risque de se faire rembarrer plus ou moins violemment - ou reculer et essayer de se renseigner sur ce qui devait arriver, quand une brusque apparition le tira de ses pensées. Il sursauta violemment et sauta en arrière, se cognant contre l'acier du conteneur.

Un jeune homme venait d'apparaître juste devant lui. En même temps que la silhouette sur le toit disparaissait. Un hoquet de surprise et, par instinct, Evan attrapa le bras de l'arrivant et le tira dans l'ombre. Violemment. Le mutant était apparut en plein dans l'allée, dans le champs de vision de l'homme au flingue. Il ne restait plus qu'à espérer que l'homme regardait à ce moment là les mouettes. Avec un peu de chance.

"Putain ! Mais qu'est-ce tu fous là toi ?!" chuchota-t-il furieusement.

Evan plaqua le jeune homme contre le conteneur sans vraiment de douceur, furieux de s'être laissé surprendre et encore plus d'en avoir sursauté. Son coeur battait encore la chamade. L'apparition simultanée n'était pas vraiment courante là où il vivait habituellement.

Evan observa le jeune homme. Plus jeune que lui, de plusieurs années visiblement, il était blond et portait des lunettes réfléchissantes. Un gamin ? Un mutant en tout cas. De la confrérie ?

Le jeune garçon laissa échapper une exclamation lorsque Evan le tira dans l'ombre. celui-ci jura entre ses dents et, sans lâcher le mutant, jeta un regard à l'homme armé. Celui-ci avait relevé la tête et observait d'un air vaguement méfiant l'allée de conteneurs dans laquelle ils se trouvaient. Merde. Mais la brute, bien que sa main est un instant frémis vers sa ceinture, dut décider qu'il n'y avait rien de suspect de ce côté-ci. Et revenait à sa surveillance mystérieuse.

"Mais ta gueule !" Souffla le jeune homme en repoussant le garçon derrière la caisse d'acier, à l'abri des regards indiscrets - en particulier ceux de l'homme au flingue - mais à porté d'oreille tout de même.

Le garçon semblait encore plus étonné que lui. L'expression anxieuse qui passa un instant sur son visage laissa supposer à Evan que le mutant n'arrivait à déterminer si, oui ou non, il avait à faire à un humain normal. Le laisser dans le doute ne ferait pas de mal.

"Qu'est-ce tu fous ici ? " demanda Evan à voix basse, dardant un regard furieux sur le jeune garçon.

En plus de lui faire peur, il avait failli le faire repérer. Et puis il était entrain de réduire fortement les chances qu'avait Evan de voir un jour l'aboutissement de la filature qu'il venait d'improviser. Mauvaise idée qu'avait eu le petit mutant de venir jouer dans le coin.

Le visage d'Evan s'assombrit. S'il voulait en apprendre plus sur ce qui se tramait dans le port - même si cela ne le regardait aucunement et ne lui servirait sans doute qu'à s'attirer des ennuis - il devrait laisser filer le garçon. Mais celui-ci était le premier mutant qu'il croisait en dehors de la confrérie/. Et cela l'intriguait. Confrériste ? Trop jeune pour être à son compte, il ne pouvait appartenir sinon qu'à l'institut. Bien qu'il ne sache presque rien sur cette dernière association.

Evan lâcha le mutant en le repoussant devant lui. Il ne faudrait pas effaroucher le petit blond, celui pouvant disparaître à tout moment. Même si en le lâchant, il lui laissait une possibilité de fuite.

"Et ça t'arrive d'être discret quand tu fais tes petits tours ? C'est pas ce qu'on apprend dans les écoles de mutants ?"

Il ne manquerait plus qu'il le prenne pour un anti-mutant extrémiste. Mais bon, si le petit était parano, ce n'était plus ses affaires. Et il n'avait pas vraiment une tête de confrériste. Quand à ce qu'il foutait sur le toit au moment ou se trafiquait plus bas quelque chose de plus ou moins intéressant...

Evan soupira entre ses dents et s'appuya contre l'acier du conteneur, décidant de laisser tomber, pour le moment, le mec du hangar. Après tout, les 'caisses' n'étant pas encore arrivées, il avait tout le temps de faire autre chose en attendant de pouvoir, si l'occasion s'en présentait, se remplir les poches. Faire autre chose signifiant ici obtenir des détails sur l'institut sans y paraître trop. Si le gamin venait de l'institut.

Fourrant les mains dans les poches de son jean, le descendant plus qu'il ne l'était déjà, il joua machinalement avec la chaînette d'argent autour de son poignet. Levant finalement le museau il répondit au gamin :

"Espionner ? J'espionne pas, je m'informe. Et j'vois d'ailleurs pas en quoi ça te regarde. J'te demande pas ce que tu foutais sur ton toit moi."

Evan jeta un coup d'oeil au hangar au question. L'homme, cigarette au coin des lèvres, appuyé contre un mur, observait le port. Revenant au mutant il demanda brusquement :

"T'es d'l'institut ?"

Question qui n'attendait pas vraiment de réponse, mais plutôt une explication.

Oh. Bonne intuition. Le gamin était vraiment de l'autre baraque. Et maintenant ? Il ne savait franchement rien des tentions qui régnaient entre la confrérie et l'institut. Petite rivalité entre deux 'écoles' comme disait l'autre ? Ou quelque chose de plus fort ? Il ne savait pas vraiment ce que défendait l'institut. Sûrement quelque chose du genre tout le monde il est beau tout le monde il est gentil. Pas vraiment le même mot d'ordre que là bas, où, d'après ce qu'il avait put observer avec Ashern, le mot d'ordre ressemblait plus à une mise au pouvoir des mutants.

Donc, pas vraiment l'idéal d'annoncer à l'autre téléporte qu'il appartenait au camps voisin. Ou ennemi ? Et puis, leur guéguerre, ce n'était pas vraiment ses affaires... quoique... enfin, le moment n'était pas vraiment à ça.

Une demi-seconde, la pensée que le jeune mutant ne semblait pas s'inquiéter de faire connaître son état à un pseudo-humain normal l'effleura. Mais après tout... Ou peut-être qu'il pensait fanfaronner. Effet raté, mais tant pis.

"École ?" lachat-il du bout des lèvres, mi-moqueur, mi-désabusé.

Oui bien sûr. c'était tellement facile de dire 'école'. Il doutait que l'institut, comme la confrérie, soit autre chose qu'une mini-armée aux pouvoirs étonnants, sous les ordres d'un petit groupe de gens.

Un pensionnat pour mutant ? Il était naïf à l'excès ou se foutait-il de sa gueule ? De toute façon, l'attitude du gamin ne l'affectait pas spécialement. Rien à en tirer apparemment. Trop jeune. Et puis, il le prenait toujours pour un vulgaire humain, aussi n'irait-il pas répéter qu'il avait croisé un confrériste au détour d'un hangar. D'un toit de hangar.

Haussant vaguement les épaules Evan se décolla du conteneur d'une légère poussé des épaules. Jetant un regard à l'homme, qui avait réinstallé son oreillette dans son oreille mais qui ne semblait pas discuter pour autant, il décida de couper court à cette discussion sans intérêt. Il n'était pas là pour ça. Il était là pour quoi au faite ? Il avait la dalle certes, il ferait bien de rentrer au port. Du port. 'fin bref. Mais il avait bien envie de jeter un coup d'oeil sur l'arrivage qu'attendait le bonhomme. S'il réussissait à l'approcher. Ce qui n'était pas sûr. Pas vraiment. Pas du tout.

L'homme au flingue s'était redressé. Il avait fourré son micro dans sa poche et semblait aller pour contourner le hangar. Tournant le dos au quai.

"Faut qu'j'me casse." lachat-il à l'adresse du garçon.

Du regard il suivit la profession de l'homme. Quand celui-ci eut disparu derrière le bâtiment, il prit la direction inverse, d'un pas rapide et silencieux, plantant ici le mutant blond. La marchandise arrivait ? Il voulait au moins voir - ou deviner - ce que c'était. Il n'avait pas patienté pour rien.

La silhouette du jeune homme disparut entre les caisses d'acier.