Juste boire un verre ...

Ashern entra dans la salle, le regard dans le vide. Ses pas l'avaient mené jusqu'ici, sans qu'il ne le veuille, inconsciemment. La salle commune était devenu un havre de paix ces derniers temps pour lui. Peu fréquentée, calme, confortable ... Car il fallait dire qu'il était souvent d'une humeur massacrante. Le manque de pratique peut-être : 'il était resté un peu trop longtemps inactif pour que son esprit -et son corps- puisse se "défouler". Cependant, il avait l'air assez posé. Lassé d'être de mauvaise humeur. La flemme d'être exécrable. C'était un comble, non ?
A ce moment, il avait plutôt l'air d'être fatigué. Pourtant, il ne faisait pas grand chose, l'action avait été menue ces derniers jours. Même pas un petit massacre de rien du tout ...

Il s'avança alors dans la pièce, et se dirigea vers le frigo, priant un peu pour découvrir autre chose que des sodas. Parce que bon, pas que ça lui plaisait pas ce genre de boissons, mais presque ... Bon pour les mômes comme il disait si bien.
Il ouvrit alors le dit engin, et se retrouva face à des ... Sodas.

"Toujours pas de bières ... Faudrait voir le majordome là, pour qu'il change ça ..."

Poussant alors un léger soupir de déception, il saisit un Coca frais de derrière les fagots, et alla s'installer sur le grand canapé en face de la télévision. Non, il ne l'alluma pas, le silence qui régnait dans cette pièce avait tout pour lui plaire. il ouvrit alors son Soda, et en bu un gorgée. Pouah, trop chaud ...
Une légère pellicule de glace se forma alors sur la bouteille en verre, et il la reporta à ses lèvres ... Déjà mieux.

Il posa alors sa tête contre le dossier du grand siège, et ferma les yeux, quelques instant. Ah, la douce plénitude de la solitude ...

Il appréciait particulièrement ces moments. Enfin, il était seul. Plus de double conscience qui le mettait à l'épreuve sur tout ce qu'il rencontrait. Il aimait ce silence, il aimait se dire qu'il n'était désormais qu'une seule et même personne : maitre de lui, maitre de ce qu'il pensait, maitre de ce qu'il faisait. Il ferma les yeux quelques instants, resserrant sa prise sur sa bouteille. Tout ce qui lui manquait était une clope. Juste une cigarette pour le relâcher encore un peu, pour qu'il puisse atteindre ces moments tant attendus et tant désirés ces derniers jours : c'était nouveau pour lui, cette impression de véritable solitude, et il ne s'en privait pas, bien au contraire.

Il mit alors sa main à sa poche, pour sortir son paquet, ouvrant légèrement les paupières, grimaçant presque à l'idée de compromettre cet instant magique. Une telle communion avec lui-même, ça ne lui était jamais arrivé, aussi en profitait-il autant qu'il le pouvait.
Il sortit alors une petite boite rectangulaire, noire, en métal, et s'entreprit à l'ouvrir lorsque quelques pas se firent entendre dans son dos. Il ôta alors de sa tête l'idée d'en griller une : surement que l'autre zouave à l'arrière lui en taxerait. Et il n'avait pas le moins du monde envie de se montrer généreux. Plutôt récurent chez lui.
Il se contenta donc de le refourguer dans sa poche, tout en y laissant la main : il le ressortirait lorsqu'il serrait de nouveau seul.

Manque de pot, ces derniers jours avaient été surement trop beaux. Et oui, rien n'est éternel, et surtout pas les bons moments ... Le gars derrière lui s'approcha, et, adoptant un comportement tout à fait désinvolte, lui demanda du feu. Okay ... Au moins avait-il une clope.
Il se demanda alors s'il n'allait pas renvoyer chier l'opportun, prétextant qu'on ne fume pas à l'intérieur, pour s'en fumer une en paix ensuite, mais se ravisa. S'il lui donnait ce qu'il voulait, il s'en irait, non ?

Il sortit alors son paquet -et sa main par la même occasion-, ouvrit le capot en métal du pouce, qui pivota sur sa minuscule charnière, avant de le porter à ses lèvres, et de chopper une clope. Il le referma alors du même mouvement, le glissa dans sa poche, puis chercha dans celle qu'il avait à l'arrière du pantalon -la seule- son zippo.
Il le sortit donc finalement, ce feu : un magnifique briquet à essence argenté. Il le frictionna alors une fois dans un sens sur sa cuisse pour l'ouvrir, puis dans l'autre pour l'allumer. La flamme se fit, et il pu sentir alors le changement de température -une sensation familière chez lui-, et le porta à sa clope. L'allumant d'une bouffée, il tendit ensuite son jouet à son voisin.

"Pas bien de fumer gamin."

Une vue déficiente ? Un léger rire, proche du ricanement, s'étouffa alors dans sa gorge. Ce genre de réplique cinglante ... Il n'en avait perçue que par un blondinet mutant qui partageait autrefois sa chambre. Ouais, ce gringalet, Evan, avec qui il s'était accroché dans les garages, d'ailleurs ... Il avait disparu, lui aussi, comme pas mal de confréristes à ce qu'il avait entendu.
Il ne lui manquait pas particulièrement -en tout cas, il n'avouerait jamais le contraire-, mais ce petit arrogant avait été l'une des seules connaissances qu'il avait dans l'établissement. Bah, peut-être reviendrait-il un jour, tout comme il l'avait fait lui-même. Au moins, il lui souhaitait la vie qu'il recherchait, et qui n'était vraisemblablement pas accessible dans La Confrérie.

"Te fies pas aux apparences, je suis plutôt bien conservé pour mon âge ..."

Oui, la glace était le meilleur élément pour conserver dans le meilleur état possible une quelconque matière. En rapport avec ses capacités, on pouvait y entendre une légère tendance à l'ironie ...

Un sourire en coin de lèvres, il regarda avec appréhension le jeune homme s'assoir sur la table basse, devant lui, non loin de sa propre personne. On aurait dit qu'il faisait exactement le contraire de ce que lui ordonnait en pensées. Il l'avait parié, hein, qu'il ne le lacherait pas ... Enfin, il se disait qu'il ne pouvait pas y faire grand chose. Et lui demander de partir ne l'enthousiasmait pas plus que ça. Non, il n'était pas ronchon au point de vouloir faire partir tout le monde dès qu'il entrait dans une pièce. Seulement, là, il était vraiment bien, seul ...
Toujours est-il qu'il le vit allumer sa clope, jouer quelques temps avec son briquet, avant de le lancer sur le canapé. Ashern regarda la trajectoire de son jouet, puis lorsque celui-ci toucha le cuir moelleux du long fauteuil, un rictus apparu sur ses sourcils, et un petit pic de glace se forma sous l'engin métallique : il fut alors projeté en l'air, et atterrit dans la main de l'intéressé. Il le rangea alors dans sa poche, le plus naturellement du monde possible.

Duncan eut alors à ce moment la meilleure idée du monde : allumer la télé. Et bien, que de surprises, le jeune homme semblait deviner ce qui l'irritait le plus ... Et s'arrangeait donc pour ne pas exaucer ses souhaits.
Pianotant sur la télécommande, il fini par tomber sur CNN : un reportage -un de plus- sur une action mutante.

"...dans le quartier est de Boston. Ce nouvel incident impliquant les mutants de la ville sape la politique gouvernementale que l'opinion publique juge trop pacifiste. La victime, âgé de 45 ans, un pieux fiché dans l'épaule, est dans un état inquiétant..."

Tiens, ça lui rappelait lorsqu'il s'était pris une balle dans l'épaule. Mais bon, l'heure n'était pas aux bons vieux souvenirs ...

"Ils ne peuvent pas s'en empêcher... On dirait presque qu'ils veulent attirer un peu plus l'attention sur nous. Ce serait con d'être obligé de se terrer comme des rats.
- Mieux vaut alors frapper les premiers, et se dévoiler au grand jour ..."

La réplique était presque sortie d'elle-même. D'un côté, il s'en voulait un peu : de tels propos amèneraient plus que surement à une discussion qui s'éterniserait, ou out du moins, à une conversation. Il passa alors une main dans ses cheveux, et tira une latte ...

Ne jugeant en aucun cas utile de mettre en doute la remarquable conservation d'Ashern - chose dont le jeune homme s'était depuis longtemps convaincu d'un bref coup d'oeil appréciateur - Duncan tirait pensivement sur sa cigarette, les yeux mis clos. N'ayant jamais rencontré l'admirable adolescent qu'avait été Evan - à son plus grand regret d'ailleurs - il fut bien incapable d'appréhender les pensées qui bouillonnaient dans l'esprit de son interlocuteur. Enfin, interlocuteur, le mot était fort ; tout au plus pouvait-il le considérer comme son voisin de canapé.

Il avait haussé un sourcil - qu'on aurait presque put qualifier d’enchanté si le regard du jeune anglais n'avait été aussi peu expressif - lors de la brève démonstration d'Ashern. La classe, sans aucun doute. Vaguement curieux, Duncan s'interrogea sur la taille et la maîtrise que pouvait atteindre les créations du mutant. Il avait toujours adoré la patinoire. Et puis ce pouvoir expliquait certainement le manque de chaleur de l'accueil de l'homme de glace, lavant ainsi le charme naturel de Duncan de tous soupçons.

Roulant des yeux, peu enclin à s'enfoncer dans ses jeux de mots de mauvais goût, le jeune homme releva le nez lorsqu'Ashern prit la parole

"Mieux vaut alors frapper les premiers, et se dévoiler au grand jour ..."

Penchant légèrement la tête de côté, semblant jauger le mutant de ses yeux clairs, Duncan prit le temps d'effriter la cendre qui s'accumulait à l'extrémité de sa clope. Sur la table, près de son pied, faute d'avoir dégotté un cendrier. Il eut une brève et sincère pensée pour Nelson - ça lui fera les pieds, tant qu'il ne le surprenait - avant de répondre.

"Pour la beauté du geste, certainement." Il haussa une épaule paresseuse, pour marquer une indécision, sinon fataliste, du moins cynique. "Si le gouvernement soutient le Cercle, on crève."

Il s'étira ; cambrant le dos, épaule en arrière ; manoeuvre qui provoqua - bien que la relation de cause à effet ne soit pas franchement évidente - une envie de nourriture quelconque. Il aurait peut-être du se faire violence pour accompagner ces adorables petits collègues confréristes dans la salle à manger. En plus d'éviter l'inanition, il aurait pu asticoter encore un peu Kenjiss, qui, il était certain, aurait finis par se jeter sur lui pour une raison ou pour une autre. C'était malheureux tout de même d'en être réduit à ses extrémités-là, pour pouvoir exercer son pouvoir sur un esprit mutant - sans son autorisation préalable s’entend.

"Et puis, sachant qu'on se laisserait tous mutuellement clamser pour sauver notre peau, on court droit au carnage."

Un ricanement passablement sardonique mourut sur ses lèvres. Chassant - avec l'ombre d'un début de panique - le souvenir peu agréable qu’évoquaient ses quelques mots, Duncan se promis en aparté qu'il tenterait tout de même de faire mentir ses paroles, lorsque le moment sera venu. Pas par patriotisme. Juste pour soulager une conscience qui n'était même pas la sienne.

[Oula, désolé du retard, j'espère que t'en as profité pour éplucher tes patates ...]

Dans un sens, l'attitude du jeune homme lui plaisait. Cynique comme il le fallait, c'était le genre de jeune homme qui avait un caractère apprécié d'Ashern. La plus grande preuve était plus que surement le fait qu'il lui adressait tout simplement la parole : depuis son retour, il s'était fait presque passer pour muet. Alors que l'homme de glace se laisse à discuter -certes, peu, mais discuter tout de même-, c'était en soi un sacré pas, et en l'occurrence une marque quelconque d'amabilité, fait plus qu'extrèmement rare chez le jeune homme.

Il laissa alors le grand brun émettre son point de vue sur la situation mutante, ne le lachant pas du regard, se contentant de consumer sa cigarette, et de finir sa bouteille, chose qui fut faite en très peu de temps, et qui fini aux pieds du canapé.
Il laissa alors quelques secondes s'écouler, le silence brisé uniquement par la télévision derrière ce cher anglais. Son regard planté dans le sien, il se dit tout de même que le jeune homme n'avait pas l'air d'être des plus courageux et des plus préoccupés par la cause mutante. Une certaine déception monta alors en lui, il avait espéré tout de même mieux. Et puis, il fallait dire qu'une fois de plus, il ressemblait à Evan. Le blondinet était lui aussi tout autant concerné par le destin de ses homonymes ...

Il fini alors par s'appuyer sur le dossier du canapé, et pencha la tête en arrière, la posant sur le cuir douillet. Les yeux ouverts, fixés au plafond, il semblait pensant, laissant sa gorge claire arborer sa pomme d'Adam plutôt prononcée.
Il se mordilla alors légèrement la lèvre inférieure, puis en revint au jeune homme sur sa table basse.

"Si notre destin est si noir, autant l'accueillir les bras ouverts, et les crocs en avant."

Souriant légèrement du coin des lèvres, une sensation s'empara de sa cuisse. Oui, dans sa poche résidait encore et toujours le petit commutateur que lui avait fournit Marcus. Apparemment, il était demandé ... Il plongea alors sa main dans sa poche, et saisit le petit engin, avant de l'apporter devant son visage, la silhouette légèrement courbée en avant.
La salle de contrôle ... On le demandait dans le bureau du boss. Surement qu'il avait deux trois mots à lui dire sur son absence prolongée. Comme si l'Iceman se préoccupait de ce genre de remontrances.

Il rangea donc le petit appareil, et reprit la parole.

"Désolé gamin, je dois filer."

Il finit alors sa clope, tirant une dernière latte, et jeta le mégot d'un mouvement du pouce sur la petite table.
Sans un mot, sans même daigner lui révéler son patronyme, il lui adressa un signe de tête discret en guise de salut, passa devant le jeune homme, et se dirigea vers la porte, avant de disparaitre dans le couloir.

[=> La caverne du boss ...]

Après un bref et pensif silence pendant lequel Duncan put contempler à loisir la gorge offerte de l'inconnu - pâle, la pomme d'Adam passablement saillante - ce dernier reprit finalement la parole. Lui qui paraissait si peu sociale lors de son arrivé - voilà que l'hôpital montrait du doigt la charité - semblait s'être résigné à poursuivre un semblant de conversation.

L'envolée prosaïque du jeune homme, qui vantait le courage et la volonté - et l'amour des causes suicidaires - arracha à Duncan un sourire léger et un vague haussement de sourcil goguenard. Certes, il s'y résoudrait volontiers, ou du moins avec une relative bonne volonté. Mourir pour la sauvegarde mutante lui paraissait absolument inutile, très plaisant, et fondamentalement inévitable. Alors, les crocs en avant, pourquoi pas ? Quoique le jeune anglais était certain que l'homme-glaçon était bien plus effrayant que lui - question de virilité - une fois les lèvres retroussées.

"Je ne crois pas au destin." conclus Duncan, une lueur vaguement démente brillant dans ses yeux clairs.

Se grattant distraitement la nuque, il bailla à s'en décrocher la mâchoire. Son constat, certes peu pertinent, était le résultat d'une sombre cogitation, et signifiait principalement que le mutant ne comptait pas sombrer dans le pessimisme que ses paroles affichaient pourtant. Bien que grand adepte de Murphy - et ayant plusieurs fois vérifier par lui même la tristement célèbre loi de l'emmerdement maximum - Duncan avait suffisamment foi en son instinct de survie pour s'en aller pourfendre de l'humain avec enchantement, dans la stricte mesure de ses capacités, du moins.

L’arrachant de ses pensées, son interlocuteur se redressa, un commutateur en main. Monsieur était overbooké, et on exigeait sa présence, si tôt dans la matinée ? Il n'en semblait visiblement pas ravis, mais n'en quitta pas moins le fauteuil dans lequel il était jusqu’alors avachi. Il eut même un vague salut pour sa personne - trop aimable - auquel Duncan répondit par un hochement de tête peu concerné. Il ne prit pas la peine de relever encore une fois le dénominatif malvenu, avisant la taille de l'homme-glaçon - qu'il avait légèrement sous-estimé et qui se révélait, sans surprise, largement supérieur à la sienne. Dans ces conditions, lui même avait évidement l'air d'être tout juste au sortir de l'adolescence.

Suivant du regard le jeune homme aux cheveux auburn qui quittait la pièce, Duncan projeta un nuage de fumée bleuté, qui s'éleva en arabesques compliquées devant son nez. Il chercha un instant à se souvenir du nom du mec qui venait de le quitter, en vain. Le mutant lui plaisait assez, dans la mesure où rare était les interlocuteurs qui ne l'ennuyaient pas immédiatement. Exception faites de ceux qu'il provoquait volontairement, s'entend. Et puis, l’homme-glaçon avait le mérite de ne pas crier au blasphème lorsque l'anglais se permettait quelques dérives sardoniques sur le compte de ses semblables, ce qui, au vu des habitudes de Duncan, était un avantage certain.

Eteignant sa cigarette sur la surface vitrée de la table, il se retourna vers l'écran de télévision.