Chambre d'Aden Camoran

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Musique

Aden se redressa, un peu courbaturé par le froid et la fatigue.
Debout, il regarda Édouard s'éloigner.

Il fut rassuré de ne pas avoir à le remercier, ou même à lui serrer la main... Le jeune homme n'était vraiment pas doué pour celà, ni même très familier des rapports humains ces derniers temps.
Une poignée de main, un simple sourire semblait des instants rares... Ou une véritable torture.

Aujourd'hui souriez à un inconnu dans la rue, s'il ne vous jette pas un regard mauvais c'est que vous avez eu beaucoup de chance...
Nous sommes ensemble et terriblement seuls à la fois.

"L'Enfer c'est les autres"... Cela définit assez bien la pensée d'Aden, mais hélas pour lui, seul rien n'est possible, nous avons toujours besoin de quelqu'un. La véritable liberté n'existe pas, nous sommes tous le valet d'un autre.

Malgré tout, Aden était reconnaissant envers lui, mais jamais, oui jamais il ne lui dirait. Certains perdent tragiquement un bras ou une jambe dans un accident, rares sont ceux qui perdent leurs sentiments. Aden pourrait en faire partie.

Après s'être brisé un os, le corps à l'endroit de la fracture devient presque indestructible. Cela est également vrai pour le coeur, on se crée une armure qui devient imperméable... Ou presque.

On s'isole, par peur d'être trahi à nouveau, ou par peur de s'attacher et de souffrir encore. Peut être encore à on le désir de conserver le peu qui nous reste, un semblant de dignité, ou d'honneur, si cela existe encore.

Le mutant détourna son regard de la porte close de l'Infirmerie.
Il attrapa son manteau, l'enfila puis regarda Sinead et lui dit :

- Dans ce cas, je vous suis...

L'aile Est de l'Institut.
Le jeune homme ne regardait pas tellement le décor, de peur de perdre sa guide.

Néanmoins il ne pu s'empêcher de remarquer que le marbre au sol était magnifique et impeccable... Sur les murs, les boiseries rendrait fou n'importe quel amateur d'architecture. Quelques escaliers, et voici une succession de portes. Enfin, notre chemin s'arrête.

La voici, sa chambre, celle où il séjournera quelques temps... Inutile de faire de plans sur la comète, ça ne sert pas à grand chose.
Pour l'instant il y est, et il y reste. Les ennuis ou le simple arriveront bien assez tôt, ils sont toujours à l'heure.

Elle est située juste en face d'une grande fenêtre qui donne sur l'extérieur.
Un grand arbre endormi par l'Hiver, couvert de neige trône là, attendant patiemment, comme Aden, des jours meilleurs. La vie est ce cycle éternel de hauts et de bas, de peines et de joies.

Le Pass dans la paume de la main, il ouvre sa porte et découvre sa chambre.

Une chambre assez spacieuse, mais sobre. La tête du lit collée contre le mur du fond, une grande armoire en noyer, et un magnifique bureau en ébène. Les rideaux étaient sobres, de couleur rouge. Au sol, une moquette de la même couleur. La chambre aurait pu paraitre glauque si les murs n'étaient pas tapissés de couleurs chaudes. Deux fenêtres donnaient sur la cour de l'Institut, nottament sur la fontaine gelée. Pour la décoration et sa touche personnelle Aden verrait plus tard, il était un peu trop fatigué pour y songer.

Il laissa Sinead entrer, ne serait ce qu'un moment, par pure politesse. Elle avait l'air tout aussi bavarde que lui, mais cela ne semble pas déranger le mutant. Il posa son sac au pied de son lit, quitta son manteau et s'asseya sur un des deux fauteuils puis demanda à tout hasard :

- Hum... Ca fait longtemps que vous vivez ici ?

Une question des plus simples mais qui a son importance...
C'est peut être un moyen pour Aden d'engager la conversation. Ou d'être simplement poli avec sa guide. Il ne souriait pas, son visage restait figé, sans expression dominante, seul son regard restait posé sur Sinead.

(Suite de l'infirmerie. C'est plutôt long : j'étais inspiré !)

S'étant tue, l'irlandaise écouta l'approbation d'Edouard quant à sa proposition... Heureusement que le ridicule ne tue pas, car Sinead ressentait, à cet instant, plus ou moins intensément ce sentiment. Elle avait proposé son aide tout à fait non spontanément, mais plus d'une façon forcée, sans qu'elle se sentît obligée de le faire. Juste pour faire un effort... vers les gens. Les gens, qui ? De l'Institut, certainement. Les autres... elle verrait, déjà... le lycée, sans doute...
Voilà à quoi pensait Sinead en sortant de l'infirmerie, en parcourant les couloirs, en montant les escaliers... vers l'aile Est, le quartier des adultes - qui, soit dit en passant, était l'identique du quartier des "enfants" -, apparemment. Elle le guida vers sa chambre, s'arrêtant devant - ce devait être là, d'après le passe qu'il avait eu d'Edouard.
Elle désigna l'emplacement dans lequel il avait à mettre son passe, et le laissa faire - puis rentrer. Son tour venu, elle entra, "invitée" à le faire par Aden.
La chambre était comme les autres, évidemment. Enfin, pour l'instant, certainement qu'Aden y mettrait un quelconque élément distinctif... quoique ce ne fût pas obligatoire - Sinead n'en avait pas mis. Sa chambre était la même que quand elle y était rentrée pour la première fois, à la différence près que des vêtements étaient rangés dans l'armoire. Le lit était fait dès qu'elle en sortait - et elle dormait, comme vous le savez, peu.

- Hum... Ca fait longtemps que vous vivez ici ?

"Vivre" n'était pas vraiment le terme qu'elle eût employé. "Habiter" était plus convenable à l'idée voulue... la nuance tenait à cela : ce qu'elle "vivait" ici - ou ailleurs - n'était pas une vie. Une vie sans sommeil ? Ou plutôt, une vie où l'on a peur de dormir ? Où l'on ne s'assoupit que momentanément, ou, plus rarement, quelques heures à peine ; peut-être trois heures par jour ? Cela se voyait, qu'elle était à ses limites. Son corps. Son esprit aussi - quoique l'esprit pût faire partie du corps, mais ceci est un autre débat. Quoiqu'il en fût, elle était à bout, elle en avait assez, et, alors qu'elle avait voulu en finir, elle s'était rendue compte ô combien cette fin eût été pathétique... et dommage, peut-être. Pas pour les autres. Qui se serait réellement soucié d'elle ? Ses parents ? Elle ne voyait plus que rarement son père, et sa mère avait autant d'amour que de crainte envers elle.
Tant de problèmes... plus l'absence de sommeil, toujours lourd fardeau... elle le savait, ce qu'elle était en train de devenir, ce qu'elle était déjà devenue... en un seul adjectif, le plus proche qu'elle pût trouver était : "folle". Son esprit l'était. Ou son corps. Les deux, sans doute. Et elle le voyait, et elle ne pouvait rien y faire... quoi ? Il n'y avait pas de remède que le sommeil. Et, justement, elle avait trop peur que le sommeil soit plus poison que remède.
Mais là n'était pas la question ; la question était simple : depuis combien de temps. Elle y répondit donc :

- Je suis là depuis un mois, environ... en fait, je suis arrivée lors de l'attaque des Sentinelles - des robots anti-mutants...

Elle rit, d'un rire faux. Des robots anti-mutants, oui, rien que ça ! Voilà ce qui l'avait accueillie ici. D'ailleurs, qu'est-ce que c'est, un "mutant" ? C'est idiot comme appellation ; une mutation, c'est une transformation quelconque des gênes, d'un allèle quelconque, ça survient n'importe quand, à n'importe quelle occasion, avec le plus souvent une conséquence infime. Oui, c'était ça qui s'était produit, en eux... un changement d'une allèle, d'un gêne dit X... pourtant, ils l'étaient tous, mutants ! Les mutants à la peau blanche... les mutants aux yeux bleus... les mutants colorés, les mutants malades, les mutants grands, les mutants petits... alors, qu'est-ce qu'ils étaient, eux ? Des "mutants pouvants" ? Ridicule... alors, ils avaient un "pouvoir", et ils étaient donc des "mutants", des êtres "à part"... certains disaient homo superior. Supérieur... à qui ? Pourquoi ? Mais qu'importe, après tout. Elle regarda Aden un instant, et se rendit compte qu'ils n'avaient rien dit de plus. L'irlandaise faillit répondre "et vous ?", mais, de toute évidence, il vivait ici depuis quelques minutes à peine. De plus, et par expérience personnelle, elle préférait éviter les questions comme "Pourquoi venez-vous ici ?" ou "Où étiez-vous avant ?"... évidemment, sans doute, ç'eût été intéressant. Mais ici, dans l'Institut, c'étaient souvent des questions à ne pas poser... des questions qui pouvaient être blessantes.
Alors, elle ne demanda rien qui eût pu concerner le passé de... de qui ? Elle se rendit compte qu'ils ne s'étaient pas présentés, et reprit donc la conversation ainsi :

- Ah, je crois que je ne me suis pas présentée... Je suis Sinead - Sinead O'Hegarty.

Un bien drôle de nom quant à sa signification. Ses parents n'avaient jamais été aussi clairvoyants que quand ils l'avaient prénommée ainsi.
Elle le laissa se présenter, sans lui demander son nom - il le ferait s'il le voudrait -, ce qui était, d'une certaine façon, impoli.
Et encore une fois, silence. Elle sentit une vague gêne. Voilà, la conversation n'était pas vraiment finie, et à peine commencée en fait. Elle était rentrée sans but précis, elle n'en avait toujours pas. Eh bien, que dire ? Son interlocuteur n'était pas bavard, et si Sinead avait pu l'être ne fut-ce qu'un peu, elle ne l'était plus. Mais... oui, mais. Mais elle s'était promise de faire des efforts pour parler... au moins un peu ? Alors, justement, la question revenait : que dire ? Parler du temps ? Inutile. Il neigeait, et voilà. Parler de leurs "pouvoirs" ? Pas question. Continuer la "visite" ? Oui, évidemment, voilà qui était une bonne idée - voilà également qui n'était pas une conversation, et d'ailleurs, Aden avait dit qu'il préférait se reposer. Alors, le laisser, peut-être ? Elle allait opter pour ce dernier choix, quand elle se rappela les propositions qui s'étaient faites le matin, au petit déjeûner - et elle avait entendu, en passant dans les couloirs, des élèves en parler. Une fête, au Saturday Night - le bar du colosse, Sagamore O'Neil... elle n'y était jamais allée, mais en avait entendu parler. Un peu.
Et ce faisant, l'irlandaise prit parti d'en parler - peut-être voudrait-il y venir ?

- Euh, oui, au fait... je crois qu'on organise une fête, ce soir... pour le nouvel an. On mangera ici, et après, beaucoup iront au Saturday Night, un bar de la ville dirigé par Sagamore O'Neil... le chef de la X-Force - une équipe de l'Institut...

Ce qui commençait à faire beaucoup de choses à dire. Elle passa l'explication sur les équipes - qu'elle connaissait, d'ailleurs, à peine - et préféra continuer sur la fête :

- Oui, donc il y aura de nombreux membres de l'Institut, et certainement des personnes... qui n'en font pas partie. Si vous voulez venir, je pense que vous pouvez... vous pourrez faire connaissance avec des gens, enfin, si vous voulez, évidemment...

Elle n'allait pas non plus le forcer. Quant à Sinead, elle n'avait pas encore pris réellement sa déçision... elle pensait y aller. Si elle en trouvait le courage. Mais certainement, elle irait. Ou essayerait. De toutes façons, elle ne dormirait pas... nuit blanche, comme l'on dit. Mais au moins avait-elle un bon prétexte : le nouvel an, et voir le soleil se lever, voilà qui était une idée ! Oui, ce serait certainement beau, le premier lever du soleil de l'année. Certainement pas plus beau que d'autres levers de soleil - le premier jour de l'an, c'était symbolique, ça ne changeait pas la nature... -, mais tout de même d'une grande beauté... ou du moins fallait-il espérer ainsi.
Oui. Espérer. Elle n'avait plus que ça à faire, de toutes façons : espérer. Espérer qu'un jour, les jours redeviennent meilleurs... comme le printemps qui fait fondre la neige pour que la végétation reluise à nouveau...
Espérer. Il ne lui restait plus que cela à faire, oui. Et puis, elle en avait encore le droit, ça, au moins. Elle pouvait le faire. Espérer dans ses nuits blanches qu'elle pût dormir d'un sommeil tranquille. Espérer la maîtrise de son pouvoir, à défaut de la compréhension. Espérer... tout. Tout espérer.
Mais peut-être - sans doute - devait-elle faire des efforts, pour ça. Peut-être, ou sans doute, il fallait qu'elle arrêtât d'espérer, de juste espérer. Et qu'elle se mit enfin à faire des efforts.
Elle regarda Aden sans l'observer, comme on regarde un horizon en réfléchissant à ce qu'il y avait derrière. Oui... des efforts...
Des efforts, juste des efforts, et un peu d'espoir, aussi.
Alors, s'il en fallait, elle en ferait. Elle était prête, maintenant.
Elle ferait des efforts.

Pourquoi doit on toujours faire semblant d'être quelqu'un agréable pour s'intégrer ?
Toute notre société est bâtie sur le mensonge et le faux, dire ce que l'on pensait passait le plus souvent pour une insulte, ou une agression.
Aden avait depuis longtemps cessé de jouer avec les apparences.
Il restait plus plus souvent froid avec les gens.
Cela ne lui avait jamais tellement réussi dans une vie sociale épanouie.
Si d'ailleurs il en a déjà eu une... En dehors des cours il ne voyait jamais personne, il passait le plus clair de son temps entre ses livres et le sport qu'il pratiquait le plus souvent seul.

D'un naturel assez froid et distant, à chaque fois que quelqu'un l'approchait il ne faisait rien pour être amical. Avec les filles c'était d'ailleurs assez problématique...
Mais visiblement Aden ne semblait pas prêt à changer pour autant.
Cet aspect de sa personnalité avait au moins le mérite d'un chose, il ne se laissait pas souvent avoir. Lorsque vous ne faites plus confiance, il est facile de voir clair dans le jeu des gens. Laisser ses sentiments et ses émotions de côté pour mieux faire face, telle était l'attitude qu'il avait adopté face aux gens, face à la vie.

Sinead semblait aussi peu bavarde que lui, elle ne disait que le strict nécessaire, cela plaisait à Aden. Si il y a une chose que le mutant détestait par dessus tout s'était les bavards qui n'avaient rien à dire...
Ainsi, cet institut avait été attaqué par les "sentinelles".
Ce nom ne lui évoca rien au début, puis il se rappela un article qu'il avait lu sur les dernières acquisitions de l'armée. Son souvenir restait vague, mais il allait y remédier en se documentant plus clairement.

L'adolescente, plus jeune que lui se présenta.
D'origine irlandaise d'après le nom. Ce n'était guère étonnant à Boston, les irlandais expatriés étaient nombreux à s'être installés ici.
Après un instant d'hésitation, il fit de même et lui dit son nom.

- Aden Camoran. Mais Aden suffira.

Son regard n'avait pas quitté le visage de Sinead. C'était une très mauvaise habitude du jeune homme.
Fixer les gens au point de les rendre mal à l'ais, celà lui avait déjà valu quelques problèmes.
Un sourire vraiment furtif passa sur le visage du mutant. Par simple correction sans doute.
Hop, disparu. Rechute du patient dans sa froideur habituelle...

Il écouta la jeune mutante lui expliquer brièvement le programme de la soirée. Son ventre vide lui rappella également qu'un repas ne serait pas de refus. Après une crise il était souvent affamé.
Pour la sortie au club ça restait à voir, il prenait ça plus comme une "obligation sociale", pour ne pas se faire déjà mal voir à l'Institut.

Au fur et à mesure qu'elle lui expliquait, il retenait quelques noms.
"Saturday Night", "Sagamore O'Neil", "X-Force". Prendre ses repères est le meilleur moyen de s'y retrouver plus tard. Quelques noms ce n'est pas grand chose, mais il en apprendrait probablement plus à ce repas. L'observation était une de ses grandes qualités, quand on ne parle pas, il reste plus d'attention pour écouter...

Il se leva alors de son siège, son malaise l'avait fatigué, mais son corps avait bien récupéré dans l'essemble. Il avait pris l'habitude de ces crises et endurait mieux le contre coup. Manger un peu ne lui ferait néanmoins pas de mal. Il remua ses doigts engourdis puis dit à Sinead :

- D'accord... Vers quelle heure le repas aura lieu ? Et est ce qu'il vous serait possible de m'indiquer le chemin à suivre ?

Efficace, deux questions claires. Aden aurait pu faire un parfait militaire, si seulement il savait un peu plus obéir aux règles, et ne pas faire selon ses voeux. Seulement une question un peu curieuse trottait dans l'esprit du jeune homme... Quel était le pouvoir de Sinead ? Il n'avait jamais croisé d'autre mutants auparavant, et il s'était demandé quelles pouvaient être les manifestations de cette "évolution". Edouard lui avait fait comprendre qu'il n'était pas qu'une erreur de la nature, cela l'avait un peu apaisé.
Il ravala sa curiosité pour le moment, tôt ou tard il trouverait réponse à ses interrogations.

La déçision était prise ; Sinead n'y revint plus dessus. Elle ne fit plus qu'écouter les réponses de son interlocuteur... enfin, les écouter, et elle regardait aussi, de temps à autres, le paysage enneigé à travers la fenêtre, entre les silences de ses réponses.
Aden Camoran... le nom ne réveillait rien en elle ; elle ne le connaissait pas - ce qui semblait logique. Le "Mais Aden suffira" du mutant la fit sourire (sans que son visage ne sourît) - c'était comme s'il voulait créer une intimité entre eux. Enfin, de toutes manières, l'appeler Aden n'était pas un problème, ni forcément une preuve de quoi que ce fût. Peut-être même simplement n'aimait-il pas son nom de famille.

Quelques flocons de neige tombaient lentement sur la cour, laissant présager quelques centimètres d'eau de plus dans le parc... c'était tout de même beau, un paysage enneigé. L'écorce des arbres se voyait, toute entachée de blanc. Toutes les feuilles étaient tombées déjà, et, si l'on imaginait les arbres fleuris, on pouvait constater un spectacle merveilleux.
Seuls quelques conifères gardaient encore leurs feuillages ; ce vert ressortait à la fois de l'écorce marron et de la neige blanche. On entrapercevait encore les formes des bâtiments, ou de la fontaine - où l'eau ne coulait plus -, et ces quelques constructions humaines contrastaient premièrement avec la nature, mais, enveloppées par la neige, nature et constructions semblaient finalement se confondre.
Le paysage lui rappelait son pays. Là où il faisait toujours froid, le pays à la réputation du mauvais temps complet... ce n'était pas faux. Mais c'était comme ça qu'elle l'aimait, L'Irlande.
Son regard revint finalement sur Aden, et elle répondit enfin :

- Bientôt... il y a probablement déjà des gens dans la salle à manger.

Sa voix était bien plus calme, bien plus posée que quelques instants auparavant. Le paysage l'avait apaisée, par sa ressemblance avec son pays natal. Ce n'était pas forcément facile d'aller habiter si soudainement à l'autre bout du monde...

- Oh, bien sûr. C'est juste à droite, quand on descend des escaliers... mais je crois que je vais y aller, je peux vous accompagner si vous voulez.

Elle passerait peut-être juste après dans sa chambre, histoire de... rajouter un peu d'anti-cernes, bien sûr ! Et peut-être de mettre une tenue plus... convenable ? Pour l'instant, elle s'était surtout habillée en tenue d'hiver - jean et col roulé -, ce qui n'était pas forcément le mieux, en soirée - même si peu lui importait à vrai dire. Mais les gens étaient parfois curieux, à se préoccuper de la tenue d'autrui... et peu lui importait, mais cela ne la dérangeait pas. Bref, elle passerait dans sa chambre se vêtir d'une robe de soirée... quelque chose de plus "convenable" à une fête de l'an, en somme.
Elle attendit juste la réponse d'Aden ; quoiqu'elle fût, il était certain qu'elle sortit après, Aden la suivant ou pas.

(Suite dans La salle à manger, pour la fête du jour de l'an.)

Les bras derrière le dos, le visage face à la fênetre, Aden observait la cour. Il avait cessé de regarder Sinead avec insistance, et se contentait de l'écouter. Ce n'était pas par indifférence ou en vue d'être offensant envers elle, mais plutôt de se changer les idées en observant la neige tombante sur la fontaine gelée. Un joli paysage, bien que sans vie, plongé dans un sommeil forcé par la neige et le froid.

C'est alors que sa main gauche se mit à se contracter légèrement, le ramenant à une réalité moins poétique. C'était un autre des inconvénients de sa mutation, sa main tremblait. Il essayait toujours de le masquer en la massant. Il serra son poing gauche, toujours tremblant. Ses phalanges devinrent blanches, et la convulsion se calma pour un moment.

Le mutant n'avait pas remis ses gants depuis sa visite à l'infirmerie. Sur chacune de ses paumes, les témoins de son pouvoir, un marque étrange d'où s'échappait son sang lorsqu'il le désirait.
D'un geste de la main il attrappa la paire de gants de cuir restée dans la poche intérieure de son manteau. Quelques secondes plus tard, son secret était à nouveau masqué.

Se retournant vers la jeune fille, il acquiessa à sa proposition et lui dit de sa voix calme :

- Je veux bien que vous me montriez le chemin.

On pouvait sentir quand Aden parlait qu'il économisait ses mots.
Répondant le plus souvent par des monosyllabes, ou de courtes phrases il ne s'étalait jamais sur un sujet, et ne donnait que dans de rares occasions son avis. Jamais il n'évocait son humeur ou son ressenti, le considérant propre à lui, et que les autres n'avait rien à en savoir.

Sinead sorti de sa chambre, et l'attendait à la porte.
Il passa rapidement face au miroir et passa sa main dans ses cheveux.
Considérant que son visage n'était pas trop marqué par la fatigue, ses dernières hésitations furent dissipées. Il irait à ce repas.
Un geste rapide de la main, son long manteau se défroisse.
Un murmure :

- Prêt pour le baptème du feu...

Il quitta sa chambre, referma sa porte, et suivit Sinead à travers les couloirs obscurs.

[HRP: La suite : La salle à manger]