La balle ricoche

Worg courait comme un dératé. Ses mains fendaient l'air, ses pieds touchaient à peine le sol. Il bousculait les passants sans aucune manière. Il percutta un cycliste et l'envoya à terre manquant de tomber à son tour. Sa course effreinée ne s'arrêtait plus, les gens tentaient de s'écarter sur son passage et celui des cinq loups qui l'accompagnaient au galop.

"Arrête toi Mooncall ou tu vas morfler une praline !"

Derrière lui trois policiers armés utilisaient son sillon pour essayer de le rattraper.

"Police ! Écartez vous !"

Le gitan bondit sur le capot d'une voiture arrêtée au feu et poursuivit sa course sur l'autre trottoir en sautant le plus loin possible. L'un des flics tira une balle dans les airs pour l'avertir.

"Couche toi où je te bute ! Arrêtez le !"

Worg pénétra à la hâte dans un hotel de luxe, il était en sueur. Il bouscula le groom et l'envoya les quatre fers en l'air au milieu du sol de marbre noir. Un coup d'oeil à gauche, un coup d'oeil à droite. Il observa les escaliers durant une minuscule seconde seconde quand la porte de l'ascenseur s'ouvrit. Il jeta les clients à l'extérieur pour s'y engouffrer et appuya sur les boutons à la hâte.

"Allez bordel ferme toi putain de porte de merde !"

Les policiers investirent le hall du Boston Palace au moment ou la porte se refermait.

"Police ! Arrêtez le ! Arrêtez cet homme ! Il est en état d'arrestation !"

Worg, trempé, s'adossa contre la paroi du fond de la cabine et se laissa glisser sur ses fesses en épongeant son front. Il détacha les muselières de ses compagnons les mains tremblantes. Les bêtes grognaient et bavaient, prêtes à défendre leur chef de meute qui leur répétait sans cesse :

"Du calme, du calme...Tout va bien se passer."

L'ascenseur ralentit. L'homme-loup se releva et tira le poignard qui était attaché à sa cheville. Les loups baissèrent leurs centres de gravité et retroussèrent leurs babines, prêts à bondir sur le premier uniforme qui pourrait se présenter à l'ouverture de la porte. Le visage de Worg était tendu à l'extrême, il était décidé. Il se battrait à mort pour sauver leurs vies et leurs libertés.

La porte s'ouvrit.

L'hôtel était calme lorsque Thorn était arrivée. La plupart des employés étaient partis manger, seuls s'affairaient encore le personnel d'accueil et d'entretien. Les saluant au passage, Cybèle prit directement le chemin de son bureau, au dernier étage du Palace. Elle fut accueillie par un concert de ronronnement, Ebony venant se frotter après ses jambes réclamant son dû de caresses. Sa secrétaire lui fit un rapide compte-rendu. Le reste de la journée s'annonçait relativement calme, malgré le nouvel an.

Du moins, elle aurait dû…

Le téléphone se mit à sonner frénétiquement. La jeune femme décrocha, libérant un bruit incompréhensible. A travers le combiné, la voix affolée de la réceptionniste se mêlait aux cris et éclats de voix. Elle ne capta que quelques mots à travers le chaos craché par l'appareil : "police" "fuyard" "loup".

Elle poussa un profond soupir.

J'arrive. Se contenta-t-elle de répondre avant de raccrocher.

Elle sortit de son bureau à la hâte, se dirigeant vers l'ascenseur le plus proche. Les voyants s'allumaient les uns après les autres, se rapprochant de son étage. Dans son dos, Ebony se mit à cracher, poil dressé sur le dos.

Cybèle n'eut pas le temps de se retourner, étonnée de la réaction du petit félin qui se tenait toute griffes dehors devant la porte de son antre. Un léger tintement raisonna dans l'air, précédant l'ouverture de l'ascenseur.
Les yeux couleur d'acier de la mutante s'ouvrirent en grand. Un homme entouré de cinq loup se tenait à l'intérieur de l'élévateur, couteau tiré, regard dément, pas le genre de la clientèle de l'hôtel.

Par réflexe, elle retira ses mitaines, plongeant son regard ahuri dans celui de l'intrus. Un hurlement strident provenant de son bureau la ramena à la réalité. Paniquée, la secrétaire claqua la porte de l'office sur les feulements rageurs de la chatte contrariée de voir d'autres animaux si prêts de son territoire.

Les poings de Cybèle se serrèrent tandis qu'elle se campait fermement sur ses jambes face à la meute.

*C'est pas le moment… pas devant les humains… pas sur des animaux…*

Elle recula d'un pas, regard obstinément accroché à celui de l'homme.

*Que font les flics, Bordel!*

Elle n'osa dire un mot.

Les loups redoublaient de grognements aggressifs, prêts à bondir sur Cybèle. Worg fit un pas en avant et pencha sa tête sur le côté sans la lacher des yeux. Il affichait l'expression d'un animal en cage prêt à tout pour survivre. Il sonda le regard de la mutante quelques secondes, encore essouflé par sa course effreinée, puis les muscles de son visage se détendirent. Les loups cessèrent immédiatement leur symphonie martiale et sortirent de la cage d'ascenseur ensemble pour prendre possession des points stratégiques de l'étage. Le gitan leva les mains vers Cybèle paumes ouvertes, maintenant son pognard à l'aide de son pouce.

"Je ne te veux aucun mal, je veux juste trouver une issue, et le plus rapidement possible. Trois flics me coursent depuis plus de dix minutes et si je ne les sème pas dans les secondes qui viennent je suis un homme mort. Offre moi cette nouvelle année et je te serais redevable. Je n'ai qu'une parole."

Worg pencha la tête en avant et sourit sans la quitter des yeux, comme si il voulait accompagner l'acquiessement de la propriétaire du Boston Palace par anticipation. Il manquait de temps et ne le cachait pas.

Le souffle court, les muscles tendus, l'homme en face de Thorn ressemblait d'avantage à une bête acculée qu'à un humain. Les animaux autour de lui jappaient, grognaient, prêts à bondir. Puis soudain… quelque chose changea. Les loups se désintéressèrent de la mutante pour se placer aux angles des couloirs. Sur leur passage, les portes qui ponctuaient le long couloir se fermaient en claquant, scellant les bureaux et leurs occupants derrière une protection relative.

Cybèle ne bougea pas d'un pouce lorsque les bêtes sortirent de l'ascenseur, mais quand les mains de l'homme se levèrent en un signe pacifique, elle ne put s'empêcher de reculer à nouveau.

* mutant?… non, peut-être pas… méfiance… et pourtant les loups… prudence.*

Les pensées se bousculaient dans la tête de la Française. Un sacré dilemme… S'il était des leurs, elle devait l'aider, mais si ce n'était pas le cas…

Les yeux de Thorn quittèrent ceux de l'homme pour se poser sur l'animal le plus proche, pour revenir sur l'humain. Des bruits de course commençaient à se faire entendre, de plus en plus précisemment. Les plus courageux avaient pris les escaliers et arrivaient au bout d'une longue ascension. Plus le temps de réfléchir…

Le bénéfice du doute.

"Suis-moi!"

Méfiante, elle lâcha l'homme du regard pour se diriger vers une des portes du couloir. Un jeu de clé apparut dans sa main, et la serrure céda dans un cliquetis discret.

"Venez!"

Elle s'adressait autant à l'homme qu'à ses loups… au cas où.

Worg ferma les yeux satsifait lorsque la Française lui tourna le dos et l'invita à le suivre. Il lacha un profond soupire avant de tourner vivemant la tête dans la direction de la porte d'où provenaient les bruits. Il suivait son hôtesse à reculon et le dos courbé. Il maintenait fermement le manche de son poignard et ne quittait pas des yeux l'issue dangereuse.

Cora, la louve noire, était accroupie entre ses jambes et gnognait de plus belle. Worg sentait la peur s'insinuer en elle en même temps qu'elle s'insinuait en lui.

"Tu...tu es sur que...ça mène où là ?"

A force de reculer le gitan heurta la mutante en collant son dos trempé contre le sien. Il se retourna au moment ou elle déverouillait la porte et la fit avancer dans la pièce en la bousculant nerveusement. Les loups furent précédés du bruit de leurs pattes galopantes sur le parquet et entrèrent en trombe.

"Allez vite !"

Le gitan referma la porte et fixa Cybèle, puis il parcourru la pièce du regard pour tenter de comprendre le plan qu'elle lui avait offert, et qu'il avait accepté dans la précipitation.

Thorn ne répondit pas à la question de l'homme. Elle ne put s'empêcher de sursauter nerveusement lorsqu'il la heurta.

A peine la porte venait-elle de s'ouvrir que déjà il la poussait à l'intérieur de la pièce, appelant sa meute. Lorsque le dernier loup s'engouffra dans la salle, l'homme claqua la porte et toisa la mutante.

Elle les avait conduit dans une sorte de réserve où quelques rayons se suivaient, emplis de fourniture de bureau diverses et de dossiers d'archives noircis par un précédent incendie, côtoyant une vieille photocopieuse fatiguée en attente d'un lifting. Hormis la porte qui menait directement au bureau de la direction, il n'y avait pas d'issue et la lumière dispensée par les grande baies vitrées n'offrait que de rares coins d'ombre où se dissimuler.

Cybèle lança un regard anxieux vers les vitres, cherchant du regard quelque chose qui de toute évidence ne s'y trouvait pas.

"Merde!" Jura-t-elle en français.

Sans s'occuper de l'inconnu et de ses bêtes, elle se rua vers le mur de verre et colla sa joue contre la surface froide. Levant les yeux, elle tentait d'apercevoir ce qui aurait du se trouver là.

Elle poussa un soupir de soulagement.

Elle ouvrit la première fenêtre qui était à sa portée et sortit le haut de son corps par l'ouverture, au-dessus du vide. Elle leva le bras comme pour saisir quelque chose, puis sembla hésiter, regardant sa paume.

L'appréhension se lisait sur ses traits… une petite lueur de peur brillait au fond de ses yeux lorsqu'elle retendit sa main le long de la paroi transparente.

Le chef de meute se dirigea vers le vieux photocopieur et le poussa de toutes ses forces pour le faire glisser jusque devant la porte d'entrée de la pièce. Les loups étaient tous parti se cacher sous les étagères de fournitures et Cora suivit la mutante intriguée. Elle la reniflait de loin en baissant son postérieur, puis relevait la tête les oreilles droites. Elle ne la quittait pas d'une semelle.

"Merde !" - Un mot qu'il ne comprit pas mais dont l'intonation donnait le sens. Le coeur du mutant s'affola et les loups le rejoignirent en rasant le sol.

La Française ouvrait la fenêtre et tendait la main pour attraper une chose invisible. Elle ne semblait pas sur de son coup et ce détail n'échappa au mutant.

"Si tu as besoin d'aide dis le moi ! Je vais les retarder."

A l'extérieur les policiers étaient arrivés à l'étage et tambourinaient à toutes les portes.

"POLICE ! OUVREZ !"

Worg retira son pull en rageant et le jeta dans un coin de la pièce pour se retrouver torse nu. Il pencha la tête sur le côté en affichant sa colère et courru en direction de la porte l'arme au poing. Il sauta sur le photocopieur et descendit son centre de gravité, jambes et bras écartés, prêt à passer à l'action.

Cora s'approcha de la mutante qui tendait la main à l'extérieur. Elle chercha à la renifler de tellement prêt d'elle que son museau toucha sa jambe. Elle se recula vivement au contact de sa peau et leva les yeux vers cette main suspendue.

Au même moment, le mutant tournait la tête et fixait cette même main. Le temps venait de s'arrêter pour eux. Elle représentait leur seul espoir.

Main levée contre la paroi de verre, la mutante restait immobile, fixant quelque chose au-dessus d'elle. Elle entendit à peine le raclement sonore de la photocopieuse sur le sol, ni les pas feutrer des bêtes dans la pièce.

En longues inspirations, elle tentait de retrouver son calme, d'atténuer les battements affolés de son cœur. Elle sursauta lorsque la voix de l'homme raisonna dans la pièce, suivie par l'écho de la police qui fouillait l'étage. Elle se tourna vers la porte, découvrit avec surprise l'a présence d'un des loups prêt d'elle.

"Contente-toi de ne tuer aucun humain… et aucun commentaire sur ce que tu vas voir!"

Le regard de Thorn se posa sur l'animal proche d'elle, puis se reporta sur l'extérieur. Sa paume se plaqua contre le verre, la peau striée de gris ressortant sur la surface transparente.

Cette fois, le monde disparut… L'homme se jetant sur la photocopieuse, le museau de la loue contre sa jambe… Rien. Rien d'autre que sa main tendue et la vitre...

Le picotement familier se manifesta, alors que des épines pas plus grosses que celles d'un murier commencèrent à percer sa peau, croissant dans la chair, s'épaississant, se rejoignant pour former un filin compact, puis une liane épaisse qui commença à gravir la paroi de verre comme un serpent sinueux.

L'appendice relié à la paume de la jeune femme s'étendit jusqu'à sortir du champ de la fenêtre, pour attendre un point juste au dessus du dernier étage habité et s'y accrocher.

Un sourire apparut sur le visage de Cybèle. Elle reporta son regard à l'intérieur, cherchant celui de l'homme.

L'instant d'après, elle passait de l'autre côté de la vitre, au-dessus du vide. La liane se rétractait lentement sous sa peau, lui permettant de gravir les quelques mètres qui la séparait de son objectif. En quelques secondes… elle avait disparu de la baie vitrée.

La bouche de Worg s'ouvrit lorsqu'il comprit qu'il était fait comme un rat. Son hôtesse le laissait derrière elle avec cette sensation étrange que le monde qui nous entourre n'est pas réel.

Il partit en courant en direction de la fenêtre avec la ferme intention de s'accrocher à elle lorsque ses pieds quitteraient le sol. Cora commençait déjà à sauter sur place en jappant, prête à se jeter dans le vide avec le mutant si il décidait de sauter par la fenêtre. Les autres loups offraient une minuscule barrière à ceux qui venaient de s'arrêter devant la porte de la réserve et hurlaient à tous le monde de sortir de leurs bureaux.

"Ouvrez cette porte nom de Dieu ! Police !"

Ses jambes étaient encore accessible mais elle s'élevait rapidement. Le Gitan fixa sa louve un instant et serra les dents. Il ne pouvait pas la laisser là, il ne pouvait pas les laisser là.

"Venez m'aider, la porte est fermée à clé !"

Le photocopieur tremblait sous chaque coup d'épaules que donnaient les policiers. Sans attendre une seconde de plus le mutant se dirigea vers la porte le front baissé, une détermination infaillible dans le regard

"Je jure sur ma vie que j'en emporterai un maximum avec moi si je dois crever aujourd'hui !"

Il chassa les loups en écartant les bras pour qu'ils tentent de se cacher mais ils revinrent instinctivement vers lui pour se battre à ses côtés au moment ou la porte céda.

Les flics étaient armés, la meute était déchainée.

En contrebas les sirènes retentissaient, la garde était levée.

Thorn s'éleva au dessus du vide, grimaçant de douleur alors qu'elle utilisait son pouvoir comme un grappin. Elle finit par atteindre son but, quelques mètres plus haut. Suspendue au dernier étage de l'hôtel, une petite passerelle avait été laissée là par l'équipe d'entretien. Cybèle se hissa tant bien que mal à l'intérieur de la nacelle et chercha la télécommande.

Alors qu'elle allait appuyer sur le bouton qui commandait la descente, elle entendit la porte céder. Son pouvoir se déclencha presque automatiquement, déchirant la chair de ses bras en longues lianes effilées qui tissèrent autour de son corps une maigre protection. Elle poussa un peu plus loin la création en couvrant son menton et son nez. Lorsque les poulies déroulèrent le câble, seuls ses yeux étaient visibles.

Il ne fallut que quelques secondes à la passerelle pour atteindre la fenêtre par laquelle elle était sortie. Elle agrippa l'homme par l'épaule et commença à tirer en arrière.

"Tu n'emporteras personne, ton heure n'est pas encore venue!"

Elle tendit sa main libre au-dessus de la tête de l'inconnu. Une balle siffla et la fenêtre voisine vola en éclat. Les yeux de la mutante se fermèrent tandis que de minces écailles surgissaient de sa paume tendue, se superposant les unes aux autres pour former un bouclier de fortune.

Elle fut presque surprise de lui trouver un éclat métallique… la crise… elle chassa instantanément ses souvenirs du matin et cria.

"Montez! Maintenant!"

Worg senti la fibre métalique saisir son épaule alors qu'il s'aprêtait à sauter sur les flics. Il jeta un rapide coup d'oeil en arrière et vit la mutante sous son vrai jour, écailleuse, étincellante et terriblement ténébreuse en pleine possession de ses pouvoirs. Il fit basculer son torse en avant en hurlant sauvagement en direction de ses ennemis, machoire et poing serrés, puis il sauta du photocopieur pour s'élancer par la fenêtre.

"Les loups ! Attrape les loups !"

Déjà les loups galopaient entre les balles mal dirigées de leurs assaillants, glissants et dérapants sur le sol brillant du Boston Palace.

A peine arrivé sur la passerelle le mutant prit la télécommande et enclencha la marche supérieur pour rejoindre le toit de l'immeuble. Il eut juste le temps de croiser le regard du premier flic entré dans la pièce. L'homme en bleu ne le lâcha pas du regard et ne tira même pas. Il le regarda simplement disparaître du haut de la grande fenêtre de l'entrepot.

L'homme loup se laissa tomber sur ses fesses et souffla en écartant les bras pour toucher au moins une fois chaque membre de sa meute tremblante. Il leva la tête pour connaître leur destination exact et un sourire apparu sur ses lèvres. Il se redressa rapidement et plongea ses yeux dans ceux de Thorn.

"Quoique tu puisse être, qui que tu sois, j'espère que tu sais où tu nous emmène. Si tu nous sors de là j'aurai une véritable dette de vie envers toi."

Les balles volaient dans la pièce, faisant voler en éclat les vitres, dont les éclats venaient s'écraser sur le trottoir quelques centaines de mètres plus bas. Surpris, les passants levaient le regard vers l'origine de cette pluie de verre.

Thorn poussa un hurlement strident lorsque deux balles traversèrent le bouclier d'écaille qu'elle tendait devant eux. Le dernier loup s'était engouffré dans la nacelle qui commençait déjà sa lente ascension, alourdie de ses trop nombreux passagers.

Sous le coup de la douleur, la jeune femme tomba au fond de la passerelle, les doigts crispés autour de son poignet comme si sa propre main avait été percées par les balles. En l'espace de quelques secondes, lianes et écailles avaient disparu, se résorbant sous la peau pour y laisser de nouvelles cicatrices grisâtres.

La passerelle s'immobilisa au niveau du toit. Se redressant avec peine, Cybèle se hissa sur la surface bétonnée. Des réseaux de cheminées crachaient une fumée épaissie par le froid qui se dissolvait en volute fine entre les lourds flocons de neige. La mutante tituba jusqu'à l'unique porte d'accès, et appuya sur la poignée… Fermée. L'une des deux clés était dans sa poche, l'autre dans celle du responsable technique qui avait pris sa journée.

Soulagée, elle posa son dos contre l'épais montant de métal et se laissa glisser jusqu'au sol. Elle glissa une main tremblante à l'intérieur de sa poche et en sortit son communicateur. Elle sembla hésiter, puis l'activa.

"A la X-Force, ici Thorn! J'ai besoin du Jet sur le toit du Boston Palace le plus vite possible! Un mutant à évacuer, la police est dans le bâtiment. C'est urgent!!!"

Elle coupa l'appareil et tourna les yeux vers l'homme, essoufflée.

"La cavalerie arrive, vous serez bientôt en sûreté."

Elle ne put s'empêcher de penser.

*En tout cas, j'espère… Sagamore… fait vite!*

Thorn reçut la réponse, mais pas de sagamore... ce fut l'aveugle du groupe qui répondit le premier.

Citation :

"Thorn on est dans le parking. Quel est la situation? tu veux qu'on monte?"

Worg attrapa ses loups un par un pour les faire monter sur le toit de l'immeuble. En contrebas les sirènes étaient orchestrées par la voix d'un homme qui hurlait des ordres incompréhensibles dans un méga-phone.

Le mutant vit la Française s'éloigner vers la porte qui menait à l'étage du dessous et entendit l'appel qu'elle passait à la X-Force. Il se rapprocha suivit de près par sa meute apaisée. Lorsqu'il fut arrivé à quelques mètres d'elle il entendit le communicateur lui répondre :

"Thorn on est dans le parking. Quel est la situation? tu veux qu'on monte?"

La tête du gitan bascula sur le côté et son visage se drapa d'une expression animale.

"Attends t'as dit quoi là ? Un mutant ?"

Il fronça les sourcils.

"Je crois que je ne comprends..."

BAOUM

La porte du toit fut secouée par un violent coup de boutoire qui bouscula la mutante. Une détonation suivit.

"Ecarte toi ! Vite !"

Worg tira Thorn par l'épaule pour l'aider à se relever et il poussa de toutes ses forces pour receptionner l'arrivée des flics.

"Dis à ton pote de s'grouiller, ça va chauffer !"

BAOUM

Le second coup enfonça la porte. Le mutant qui se tenait courbé devant l'entrée les lèvres retroussées et le regard couroucé bondit les genoux en avant sur le premier des flics qu'il aperçut pour le faire tomber à la renverse. Les cinq loups déchainés disparurent chacun leur tour dans les escaliers.

La chute des deux hommes les secoua et une lutte acharnée débuta. Le flic envoya un coup de poing magistrale au visage du mutant, son cartilage nasale explosa dans une gerbe de sang immonde qui éclaboussa la rampe d'escalier. L'homme-loup riposta d'un formidable coup de tronche pour remettre les compteurs à zéro. Il hurla :

"Tu me veux enfant de putain ? C'est ça hein ? Tu me veux ?"

Ses yeux baignés de larmes ne quittaient pas ceux du flic alors qu'il avait plaqué son avant bras sur sa gorge pour tenter de le maitriser.

"Mais Qu'est ce que vous m'voulez putain ?! Tu vas m'expliquer pourquoi y'a toutes tes copines qui m'attendent en bas bordel de merde ?!"

Le mutant lui cracha au visage tout le sang qu'il avait dans la bouche et leva son poing à nouveau en le secouant de toutes ses forces pour faire claquer sa tête sur le sol.

"RÉPONDS !"

Pendant ce temps les deux autres flics acculés s'étaient retrouvés dans l'impossibilité de tirer par crainte de toucher leur collègue. Ils étaient tous deux allongés, emprisonnés dans des barrières de crocs et de grognements rauques, prêts à être saignés comme des truies au premier ordre du chef de meute.

Puis vint ensuite la réponse de la benjamine du groupe, Ksenia. Oui : elle était bel et bien de retour de son voyage en Russie, et ce, même si elle n'avait mis personne au courant de son retour.

Citation :

"Thorn, ici Ksenia. Je me trouve au Saturday Night. Mais j'ignore où se trouve le Boston Palace. Si tu me donnes les indications qu'il faut, je viens vous rejoindre en suivant le plus rapidement possible si vous avez besoin de moi."

[ Institut : Hangar du Jet]

En moins de deux minutes le jet était déjà là, invisible. Alex s'était placé au dessus du signal du visiocom de la Française. A travers l'un des hublots de l'appareils il eut un apercut de ce qu'il se passait à l'extérieur. Il attrappa son visiocom tout en regardant toujours à l'extérieur.

Thorn, je suis juste au dessus, en mode furtif. Je vais rendre visible l'appareil, mais le moins de temps possible, avec le nombre d'humains présents, j'ai peur que sa nous retombe encore dessus.

En attendant que vous grimpiez à bord, je vais vous couvrir. Terminé.

Alex pianauta sur le tableau de bord de l'engin afin de stabilisé l'appareil, voilà qui devrait l'empecher de bouger. Une fois fait il se dirigea vers une des portes latérales, coté toit bien évidement. Il chopa deux grapins qui étaient fixés à l'intérieur et une fois prêt, il ordonna à l'IA de bord de désactivé le mode furtif.

Désactivation du mode furtif, ouverture de la porte latérale droite !

L'IA réalisa ces deux tâches en même temps et aussitôt, un appareil étrange fit son apparition dans le ciel, à quelques mètres au dessus du toit du Boston Palace, il était silencieux et immobile et sur l'un des cotés on pouvait apercevoir une petite silhouette noire qui tenait quelque chose dans les mains. Alex chercha du regard Thorn et le mutant dont elle avait parlé, il apercut également une meute de loups, sans doute sous le controle du mutant, pas le temps de se poser la question ! Il balanca les cordes dans le vide afin de permettre aux deux rescapés de pouvoir grimper à bord.

Alex lui se téléporta sur le toit au moment où ce mutant allait littéralement buter un flic (c'est ce que pense Alex ^^), entre le flic appeuré, et le mutant déjanté. Alex repoussa Worg de quelques pas avant de lui vociférer dessus.

Tu bouges pas !

Il se retourna vers les deux humains appeurés et tendit ses bras vers ces derniers afin de transfer leur armes dans ses propres mains. Au moins ces deux là ne feraient aucun mal. Armes pointées sur le flic appeuré et ses deux collègues, Alex s'adressa à Worg, dont il ne connaissait d'ailleurs pas encore le nom, et à Thorn.

Montez à bord ! Ou j'vous fais grimper moi même si vous pouvez pas !

Et Thorn, dit à ton pote de calmer ses animaux de compagnie ou on va pas s'entendre !

Alex n'avait certes pas la carrure et le charisme de Sagamore pour donner des directives, mais là, c'était un de ces moments exceptionnels où le géant n'était pas là.

Et grouillez-vous, faudrait pas qu'ils nous descendent le jet !

Le choc… la voix de l'autre vociférant, les cris des flics dans son dos… le choc... et la détonation.

Epuisée, la mutante se retrouva le souffle couper lorsque la porte cogna violemment dans son dos. Elle sentit à peine la poigne de l'homme se refermer sur son épaule et l'écarter sans ménagement. Un bourdonnement sourd raisonna à ses oreilles, sa vue se brouilla, sa bouche s'ouvrit appelant un air que ses poumons accueillaient avec peine. Elle chuta durement sur le sol, le visage sur le goudron du toit. Une toux brulante lui arracha une grimace de douleur, chassant son vertige. Se redressant faiblement sur un coude, elle vit l'homme et sa meute se ruer dans la cage d'escalier.

"Non!" cria-t-elle à bout de force.

Son visiocom crépitait des messages de la X-Force… Wes, Josh, Ksénia, Alex…

Elle n'eut pas le temps de répondre, déjà le Jet apparaissait au-dessus de sa tête. Le fanfaron de l'équipe se téléporta sur le toit. Il neutralisa les agents et commençait à beugler. Thorn lui adressa un regard surpris, teinté de reproche.

Elle approcha son communicateur de sa bouche et annonça :

"Ksé, rentre dès que tu peux, au cas où. Wes, Josh, vous décrochez dès que possible, la fête est finie."

Elle n'avait pas lâché le jeune homme des yeux. Se redressant sur ses jambes en tremblant, elle ajouta :

"Garde ton sang froid, Alex… monte ses loups dans l'appareil, il en a besoin… et tu files. On se retrouve là-bas."

Elle lança un regard assassin aux flics. Ses poings se serraient convulsivement.

"Messieurs, vous recevrez ma déposition demain à la première heure, accompagnée d'une plainte pour dégradation de bien privé. Vous avez troublé la tranquillité de ma clientèle, vous avez investi mon hôtel sans m'en référer… demain."

Déjà de fines lianes s'enroulaient autour de ses bras, progressant sur ses épaules, le long de ses omoplates. Sans prévenir, elle se rua vers le bord du toit. Elle n'adressa pas un mot au mutant aux loups, elle se contenta, lorsqu'elle passa à côté de lui, de lancer un regard énigmatique… Un encouragement ?

Elle prit appui sur le rebord en béton et plongea dans le vide. Elle étouffa un râle de douleur lorsque les plumes s'alignèrent dans son dos jusqu'à former une paire d'ailes pâles. Elle se laissa planer dans l'air un instant, puisant dans ses dernières forces, puis plongea vers le sol. Elle atterrit durement sur le bitume quelques rues plus loin, sous le regard étonné des passants et s'engouffra dans une ruelle sombre.

[HRP - Etant donné que je ne sais pas ce que tu attend Worg, je poste, j'aimerais bien participer au repas à l'Institut - HRP]

Wesley et Joshua déboulèrent. Alex quand à lui rangea les armes qu'il avait pris sur les agents de police à sa ceinture.

[Si Worg monte à bord. Si non, ben Alex se contente de rentrer ^^] Puis, Alex téléporta un à un ses animaux de compagnie dans l'appareil tandis que Thorn et les autres sautaient par dessus le parapet de l'immeuble. Une fois fait, il s'installa aux commandes du Jet Xaviéiste et enclencha les procédures habituelles, à savoir la fermeture de la porte latérale, et les instructions à Worg et ses loups pour s'accrocher -ou au moins essayer-.

Le jet commença alors à décoller à la verticale, se stabilisa, et partit à toute vitesse dans le ciel, pendant son accélération il se fondit littéralement et disparut de la vue des personnes présentes sur le toit.

Le téléporteur prit la direction de l'Institut et demanda à Edouard d'ouvrir la prote blindée du hangar du Jet avant son arrivée. Il n'y eu aucun problème majeur pendant le court vol, au grand soulagement du majordome lorsqu'il pénétra dans le hangar. Alex éteignit les gaz et laissa Edouard s'occuper de vérifier l'état de l'appareil [et de Worg et ses loups].

Le farfadet jaune quand à lui se téléporta dans sa chambre et décida de faire part à Malicia de la sortie du jet, même si il ne s'était rien passer de bien méchant.

[ Institut, Hangar du Jet puis Chambre d'Alex Turner]