Chambre de Vincent

Le grand hall

Vincent, qui avait rejoint le majordome, suivit ce dernier alors qu'il lui faisait traverser un dédale de couloirs. Il était reconnaissant envers ce dernier de lui indiquer le chemin car tout seul, il n'aurait jamais pû le trouver vu toutes les pièces que renfermait l'immense bâtiment. Il se serait certainement perdu ! Et, pour dire franchement, Vincent n'avait vraiment aucun sens de l'orientation malheureusement pour lui. De ce point de vue, il dépendait beaucoup d'autrui. Il aurait bien voulu faire un petit brin de causette avec le vieil homme, mais lui aussi n'avait pas l'air enclin au dialogue facile.

*Hallucinant ! Il n'y avait donc que Malicia qui soit d'un naturel ouvert comme le mien ?*

Il soupira à fendre l'âme mais se dit qu'il y avait d'autres personnes qui vivaient ici et peût-être qu'il tomberait sur quelqu'un qui puisse lui ressembler à ce niveau-là. Car il était inconcevable pour le jeune homme de vivre dans un endroit sans pouvoir lier de liens avec quiconque, il se sentirait étouffer sinon. Enfin bon, il espéra que ca ne serait pas le cas. Ressassant tout ceci dans sa tête, il finit par se demander s'il arriverait à rejoindre sa chambre avant la nuit. Bon, c'était exagéré, mais ca faisait quand même cinq minutes qu'ils déambulaient dans les couloirs !

Enfin ! C'est ce que se dit Vincent lorsqu'il vit le majordome s'arrêter devant une impose porte de bois vernis. Sûrement que ca devait être sa chambre. Le jeune homme s'arrêta de même, observant le vieil homme de ses yeux gris et indéchiffrables. Il constata que même ce dernier était en train de le détailler des pieds à la tête, chose que n'appréciait pas vraiment Vincent, mais n'en fit aucun commentaire. Tout ce qu'il souhaitait, c'était gagner sa chambre. Le majordome se décida enfin à ouvrir cette dernière et dit à l'adresse de Vincent d'un ton impersonnel, tandis qu'il s'effacait pour le laisser entrer :

<Voici votre chambre jeune homme>

Vincent, content d'avoir un petit coin à lui, lui souria chaleureusement et y pénétra. Hé bien, même les chambres ressemblaient à de petits palaces dans cet Institut ! Il en était ravi et, tout à sa contemplation, il ne remarqua pas que le majordome avait pris congé. Ce n'est que lorsqu'il entendit le verrou de la porte grincer que Vincent en prit conscience. Soupirant d'aise à être enfin dans son petit chez soi, Vincent alla ensuite s'asseoir sur son nouveau lit et, déposant son sac à ses pieds, il en sortit les quelques affaires qui s'y trouvaient.

Ceci fait, il s'allongea sur le douillet matelas et ferma les yeux. Il se trouvait extrêmement bien ainsi. Ce qui fit qu'il finit par s'endormir, le sommeil l'emportant à son insu. Son estomac qui criait famine alors se tût enfin pour laisser le jeune homme tout à son bonheur de pouvoir se reposer après son voyage.

<Vincent... Vincent... Vincent !>

Le jeune homme se retourna pour voir qui l'appelait ainsi et son regard se figea lorsqu'il découvrit qu'il s'agissait d'Aurélia. N'osant y croire, il se dirigea lentement vers elle, le coeur battant. Alors qu'il s'avançait encore et toujours, il finit par s'arrêter non loin d'elle. D'un geste machinal, il se toucha les cheveux. Etrangement, il commencait de nouveau à ressentir cette peur à l'idée qu'elle puisse de nouveau le fuir à cause de ses différences. Ravalant sa salive, il s'approcha de nouveau de la jeune femme, un petit sourire timide aux lèvres.

C'est en arrivant à quelques centimètres d'elle qu'il vit brusquement d'autres personnes se matérialiser devant lui. Il fut stupéfait de voir qu'il ne s'agissait que de personnes qui avaient joué un rôle plus ou moins important dans sa vie. Il n'arrivait plus à esquisser le moindre mouvement, n'y comprenant rien. Et, ce fut un énorme choc pour lui lorsqu'il vit ses parents. Il avait toujours pensé qu'ils étaient morts ! Il était complètement perdu ne sachant ce qu'il se passait.

Toutefois, au fond de lui, il était heureux, heureux de pouvoir enfin retrouver ses parents. Il finit par se rendre compte que ses joues ruisselaient de larmes. Pris d'une joie sans limites, il se précipita à leur rencontre, prêt à se jeter dans leurs bras. Il en avait tellement besoin, et il avait besoin d'eux plus que jamais. Mais, alors qu'il comblait la distance qui les séparaient, il eût la mauvaise surprise de voir ces derniers disparaître. Tombant à genoux sur le sol, un mal de chien lui broyant le coeur, Vincent, après quelques secondes de prostration, finit par hurler sa douleur :

"Papa ! Maman !"

Il tapa du poing sur le sol, ses larmes redoublant d'intensité. Pour la première fois, il était en colère. En colère contre la terre entière qui s'évertuait à lui faire aussi mal en le privant de ses parents, les êtres les plus chers à son coeur. Il souffrait tellement qu'il ne se rendait pas compte que ses mains commencaient à se couvrir d'ékymoses. Seulement sa douleur intérieure était beaucoup plus manifeste que sa douleur physique.

C'est à ce moment-là que Vincent ouvrit les yeux, émergeant de nouveau dans la réalité. Encore sous le coup de l'émotion qu'il avait ressenti, il resta sur son lit, sans bouger, le regard fixé au plafond et la respiration haletante tant son coeur cognait à grands coups. Néanmoins, il ne ressentait aucune colère contrairement à l'état dans lequel il était dans son rêve. Enfin plutôt cauchemar. Après quelques minutes, il se décida à se relever. De nouveau assis sur le lit, il se passa les deux mains sur le visage, puis finit par se lever et se diriger vers la salle de bain.

Une fois à l'intérieur de cette dernière, Vincent y fit couler de l'eau dans le lavabo et se pencha pour s'en asperger le visage. Se redressant, il se regarda dans la glace, grimaça à son reflet qui lui montrait dans quel état critique il se trouvait. Détournant le regard, il s'empara d'une des serviettes qu'il avait déposé sur le radiateur avant de sombrer dans son sommeil agité. Il marqua un temps d'arrêt, pensant brusquement à l'heure qu'il devait être. Avait-il dormi longtemps ? Enfin peu importe, son estomac se réveillait de nouveau à son tour. Il était grand temps pour Vincent de soulager ce dernier.

Il sortit finalement de la salle de bain et se mit tout d'abord en quête d'autres vêtements. Farfouillant dans les tiroirs, il en sortit un tee-shirt noir ainsi qu'un jean de même couleur. Il se débarassa de ceux qu'il portait et enfila ceux qu'il avait en main en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire et, rangeant un peu derrière lui, il sortit de sa chambre en quête de la cuisine. Il ne savait pas où elle pouvait se trouver mais peût-être aura-t-il la chance de tomber sur une personne qui puisse le lui indiquer.

Cependant, gardant une main sur la poignée de la porte, Vincent se souvint qu'à son arrivée, il avait repéré un charmant petit bar pas très loin de l'Institut où il pourrait sûrement grignoter un petit quelque chose. Pour dire vrai, il n'avait aucune envie de déambuler dans les couloirs à la recherche de la cuisine. Et puis, un peu d'air après cet éprouvant cauchemar le requinquerait sûrement ! Sa décision était prise, il irait au bar du coin.

Le Saturday Night

Chambre de Jade

Plus tard dans la soirée

Vincent, après avoir accompagné Jade dans la cuisine, finit enfin par rejoindre sa chambre. Lui qui n'aimait pas la solitude se voyait étrangement bien pour une fois dans cette chambre sans vie. Cependant, le vide qu'il ressentait au fond de son coeur, lui, ne cessait de le torturer inlassablement. Sa rencontre d'avec Jade n'aura été qu'un bref répit. Fermant la porte derrière lui, il se laissa glisser contre cette dernière, se laissant tomber lourdement sur le sol. C'est ainsi qu'il resta prostré, fesses sur le sol et genoux repliés, baissant la tête et le visage camouflé de-ci de-là par quelques mèches de cheveux. Quant à ses mains, elles étaient posées à même le sol.

Le jeune homme intérieurement souffrait. Et cette même souffrance le rendait presque furieux contre sa faiblesse. Il aurait dû faire attention, il s'était déjà brûlé les ailes une fois et il aurait dû faire attention à ne pas retomber dans ce piège ! Il ne voulait pas pourtant tomber amoureux, et s'était jusqu'alors forgé une carapace pour ne pas se laisser aller à ce sentiment et cela avait bien marché, tenant éloigner de son coeur les jeunes femmes qui auraient été susceptibles de lui plaîre. Alors pourquoi n'y arrivait-il pas avec Maellis ? Il avait pourtant tellement souffert à cause d'Aurélia et cela aurait dû lui servir de leçon !

Mais que pouvait-il contre l'amour de toute manière ? A cette pensée, le visage de Vincent se figea, comme frappé par la foudre. L'amour ? Non, non, ca ne pouvait être ca ! Il la connaissait à peine voyons ! Seulement il sentait bien que ce qu'il ressentait pour elle allait bien au-delà de l'amitié ou du fait qu'il l'appréciait énormément. Pauvre de lui ! Raison de plus pour fuir au plus vite cette ville ! Fuir ? En aurait-il seulement le courage ? Autait-il le courage de s'éloigner de celle qui le troublait tant et lui faisait battre le coeur à cent à l'heure ? Non, il avait bien trop envie de la revoir, c'était plus fort que lui. Décidément, l'amour pouvait vous rendre masochiste !

Cependant, une pensée des plus sombres vint lui torturer l'esprit et le coeur. Et si elle ne voulait plus entendre parler de lui ? Bon, cela c'était bien passé entre eux pendant cette soirée, mais la manière dont elle s'était terminée lui faisait penser que peût-être la jeune femme, elle, n'aurait plus du tout envie de revoir un jeune homme qu'elle connaissait à peine et qui l'avait rendue pour le moins furieuse. Il se remémora malgré lui les insultes dont elle l'avait affublé et Vincent serra les lèvres, une petite douleur lui empoignant le coeur. Seulement il reconnaissait qu'il avait été en dessous de tout lui aussi. D'ailleurs, qui sait si elle ne l'aurait pas oublié dès son reveil !

Vincent finit par se relever difficilement, prenant appui sur le sol à l'aide de l'une de ses mains. Il ne servait à rien de se torturer, il devait simplement tirer tout cela au clair et être ainsi fixé. Il décida d'ailleurs de finalement rester à Boston encore quelques jours pour voir s'il avait une quelconque chance avec Maellis ou non. Relevant la tête d'un coup, Vincent venait de se souvenir d'une chose. Mettant l'une de ses mains dans la poche de sa veste, il en sortit le plan de la jeune femme qui était encore humide. Il l'observa quelques secondes, puis se dirigea vers le radiateur, près de son lit. Prenant deux petites punaises qui étaient éparpillées parmi d'autres sur la table de chevet, Vincent accrocha le plan au-dessus du radiateur.

Complètement déplié, il put en voir la totalité. Mais étrangement, son regard se fixa seulement à l'endroit que Maellis avait pointé du doigt alors qu'elle lui montrait où se trouvait le parc, l'endroit où leur défi prendrait effet. Leur défi ! La bouche de Vincent s'étira en un petit sourire satisfait. La voilà l'occasion de pouvoir tout éclaircir ! Et comme c'était pour très bientôt, il n'aurait pas à attendre longtemps au moins ! Les yeux pétillants de malice, il parla tout haut, comme si la jeune femme était dans la pièce :

"Hé oui, tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement ma princesse !"

Néanmoins, alors qu'il allait s'allonger sur son lit, le sourire de Vincent s'évanouit d'un coup. Et si elle oublait ? Après tout, vu ce qu'elle avait descendu cette soirée, il était fort possible que la mémoire lui joue des tours ou qui sait si elle ne prendrait pas la décision de l'éviter tout simplement... Soit, il irait la chercher jusqu'à son appartement s'il le fallait ! Souriant à la pensée qu'il allait bientôt revoir ce visage qui était resté gravé en lui, Vincent finit par sombrer lentement dans un profond sommeil, rejoignant les bras de Morphée, un doux sourire aux lèvres...

Après quelques heures de paisible sommeil

Allongé sur le lit, Vincent commenca à reprendre contact avec la réalité. Ses yeux s'ouvrirent lentement et avec grande difficulté. Il se sentait tellement lourd ! Conséquence de son brusque sommeil qui l'avait emporté sans qu'il puisse y omettre quelconque résistance. Il devait être plus fatigué qu'il ne le pensait ! Alors qu'il restait sur son lit, sans esquisser le moindre geste et fixant le plafond, des souvenirs de la veille lui revinrent à l'esprit. Un visage se dessina devant ses yeux gris qui commencèrent à s'illuminer. Maellis... Vincent se mit à sourire béatement bien malgré lui. Et dire qu'il était encore dans le coaltar ! Il finit cependant par se tourner vers sa table de chevet et regarda sa montre.

Il était quatre heures et demi ? Il aurait pensé à plus vu le crépuscule du matin qui commencait déjà à s'annoncer. Enfin bref, peu importait, Vincent n'avait qu'une seule pensée en tête. Dans une demi-heure il allait peût-être revoir sa princesse ! Pris d'une brusque euphorie, il sentit son coeur s'accélérer tandis qu'il se rendit vitesse grand V dans la salle de bain. Il fit couler l'eau dans la beignoire et laissa cette dernière se remplir, retournant dans la chambre pour prendre des affaires de rechange. Il se rendit compte par la même occasion qu'il n'avait toujours pas rangé ses vêtements ! Il était vraiment distrait ce jeune garçon ! Mais il savait pertinamment pourquoi.

Empoignant un blue jean ainsi qu'un maillot de couleur blanc, d'ailleurs il ne possèdait presque que des maillots blancs, Vincent repensa à l'endroit où il allait peût-être revoir la jeune femme et finit par prendre un survêtement à la place. Sûr qu'il se voyait mal jogger avec un jean et surtout pas pendant trois heures ! Une pensée des plus désagréables vint soudain le tarauder. Et si Maellis ne venait pas ? Ben tu n'auras qu'à rentrer dans ton petit chez toi, comme une pauvre âme en peine mon garçon ! Ses gestes se firent plus lents alors qu'une petite peur vint l'étreindre. Oui, comme une pauvre âme en peine... Bon ! Pas de temps à perdre, il allait bientôt être fixé de toute manière !

Vincent retourna dans la salle de bain avec ses vêtements de rechange et, après s'être complètement déshabillé, entra dans la beignoire emplie d'eau chaude. Un véritable plaisir pour ses petits muscles qui se détendirent considérablement. Seulement il ne pouvait s'y prélasser aussi longtemps qu'il l'aurait voulu car en une demi-heure, c'était vraiment juste. Déjà qu'il sacrifiait son petit déjeûner pour ce bain ! Bref, après une dizaine de minutes à se prélasser, Vincent finit par sortir du bain, pimpant. Il se sêcha vitesse chrono et s'habilla tout aussi vite. S'il arrivait en retard, sûrement que Maellis ne l'attendrait pas, alors mieux valait qu'il soit là-bas avant elle !

Une fois propre comme un sou-neuf, Vincent se passa un zeste de déodorant sous les bras et s'aspergea de parfum muscé. Voilà ! Il était enfin prêt ! Sa montre indiquait cinq heures moins le quart. Il n'avait que dix minutes pour atteindre ce fameux parc. Lui restait plus qu'à courir ! Mais bon, pas mal pour un petit échauffement ! C'est ainsi qu'il sortit de sa chambre, le coeur débordant d'excitation. Il allait revoir sa petite princesse ! Enfin peût-être. Hé oui, toujours cette triste éventualité qu'elle l'ait peût-être oublié...

Le lycée - Le parc