Arrivée de Maria sur le sol américain

1h17 du matin, 1er janvier 2031.

Aéroport de Boston :

Ce soir-là, Maria avait fêté deux fois le nouvel an.
La première fois en Europe, plus précisément en Allemagne, lors de son escale à Francfort. Il n'y avait eu rien de particulier : la pendule du hall du terminal était passée de 23h59 à 0h00 dans une quasi indifférence générale. (Ah si, il y avait eu cette famille suédoise qui s'était chaleureusement embrassée...)
La deuxième fois, ç'avait été au-dessus de l'Océan Atlantique. Miracle temporel rendu possible par les nouvelles technologies de l'aéronautique civile. Maria s'était accordée pour l'occasion une flûte d'un excellent champagne français offert par la compagnie.
Son père n'avait pas fait les choses à moitié, il s'était délesté bien volontiers de la coquette somme de 5000 dollars pour que sa fifille voyage en classe affaire ! Elle aurait pu se saouler au champagne mais avait préféré se retenir : après tout, elle allait débarquer dans un pays inconnu rempli de gens inconnus, mieux valait avoir toute sa raison.

Confortablement installée au fond de son siège, Maria se joignit distraitement aux applaudissements de ses co-voyagistes félicitant l'atterrissage du pilote de l'avion. Les yeux rivés au hublot, elle soupirait : quel était l'intérêt de quitter son pays enneigé, de parcourir plus de la moitié du globe si c'était pour se retrouver à nouveau face à face avec de la neige ? Boston manquait d'exotisme en cette saison ! Pourquoi n'avait-elle pas opté pour Ouagadougou ?

L'avion s'immobilisa complètement, les stewarts donnèrent le feu vert pour se dé-ceinturer, le commandant de bord remercia chaleureusement tout le monde de ne pas avoir tenté de détourner son appareil. De concert, tous les passagers se levèrent de leur siège et levèrent la tête pour récupérer leurs affaires emprisonnées dans les petits boxes.
Maria attrapa son sac de voyage en cuir et son manteau de fourrure blanc et déboucha ses oreilles encombrées par les écouteurs de son vieux lecteur MP3. Pour la soixante-quinzième fois depuis ces deux dernières heures, elle tira consciencieusement sur ses gants blancs pour vérifier qu'ils étaient bien ajustés et agita les doigts. C'était son tic à elle, son signe de reconnaissance...
Elle enfila son manteau, le boutonna avec soin, se coiffa de sa typique toque slave en fourrure blanche et s'engagea dans l'allée centrale à la suite d'un gros monsieur moustachu sentant la bière.

Trente secondes après, juste face à la sortie de l'avion, avec un plaisir qui la fit sourire à belles dents, elle respira à grosse goulée l'air frais américain. Mêlée aux odeurs de kérosène brûlé, le parfum de la liberté !

Ensuite, comme pour casser avec cette impression fugace de liberté, vinrent les ennuyeux détails administrato-douano-bureaucratiques :
" Mademoiselle, votre passeport... Avez-vous l'autorisation de... Avez-vous un endroit où loger ? ... Que venez-vous faire aux Etats-Unis ? ... Avez-vous quelques marchandises illicites à déclarer ? "
Bandes d'inutiles ! Tous ses papiers étaient absolument en règle, ils ne trouveraient rien qui puisse justifier de la renvoyer chez elle ! Et si jamais elle rencontrait un ennui, un coup de fil à son ministre de papa réglerait l'affaire en deux coups de cuillère à pot !

Un demi-heure plus tard, elle était sur le trottoir devant la sortie du hall de l'aéroport. Ses bottes blanches foulaient pour la première fois de leur vie de la neige américaine. Quelle était la suite de son périple ?
Elle avait, pour les trois premiers jours de son séjour, une réservation au prestigieux Hôtel Hilton de Boston -encore un caprice de papa- ensuite, elle devrait se débrouiller elle-même pour trouver où se loger.
Elle n'avait emmené que peu de bagages... Seulement un nécessaire de toilette et suffisamment de fringues pour pouvoir tenir une petite semaine. Ne connaissant pas la mode vestimentaire actuelle des Etats-unis, il lui avait semblé ridicule d'y amener sa propre garde-robe : elle devait absolument se fondre dans la foule, ne surtout pas dénoter !
Sa seconde mission, après avoir trouvé où se loger, serait donc de se rhabiller de la tête aux pieds ! Bien évidemment, si cela était possible, elle resterait dans les tons blancs !
Elle observa sa montre... 18h05 ? Flûte ! Elle ne l'avait pas encore réglée depuis son départ de Moscou ! Elle fit tourner les aiguilles... 2h05 ! Voilà qui était mieux. Machinalement, elle tira à nouveau sur ses gants blancs pour les réajuster.

Elle hésitait sur la marche à suivre, deux options s'offraient à elle :
La première, la solution de facilité : prendre un taxi.
Mouais, cela ne collait pas vraiment avec l'esprit de l'aventure : le taxi la conduirait directement à l'hôtel, ramasserait son argent et basta ! Pas très fun.
La deuxième solution : suivre cette foule d'anonymes qui prenaient les lignes de métro pour rejoindre le centre-ville. L'avantage ? Cela pouvait s'avérer utile de se familiariser rapidement avec le système de transport en commun de Boston...

Ce furent les huit heures de décalage horaire entre Moscou et Boston qui la décidèrent : Elle ne ressentait aucune fatigue, avait passé plusieurs heures assise à attendre dans un avion et rêvait se dégourdir les jambes.
Comme si ç'eut été le départ pour une grande aventure, Maria inspira un grand coup, envoya un regard dédaigneux à la file de taxis garés devant elle et partit en direction du métro en faisant rouler sa valise derrière elle.

A nous deux, Boston !

Les rues de Boston