Quelques emplettes en amoureux

[-> San Angelo]

Cyprien conduisit Leon, au petit bonheur des panneaux indicateurs, dans les rues de la ville qu'il connaissait très mal. Ils arrivèrent finalement où Cyprien le désirait, à savoir une artère commerçante qui regroupait, surtout, des magasins un peu chics.

Les vitrines exaltaient leurs produits et, dans un soucis de décence, les prix qu'on devinait élevés étaient masqués à la vue des passants. Là, une bijouterie, ici un magasin de vêtements, là encore un chapelier, ici un chausseur.

Cyprien promena un regard satisfait sur les enseignes des magasins. Il lâcha finalement la main de Leon, vint se placer derrière lui, enlaça sa taille et croisa les mains sur le ventre de son fiancé.

« Mon Ange ... Je voudrais te faire un cadeau de fiançailles. Mais comme je ne suis pas trop sûr de moi, j'aimerais savoir ce qui te ferait plaisir. »

Il déposa un baiser sur la nuque de Leon avant de poursuivre :

« Choisis ce qui tu veux, et je ferai mon possible pour te l'offrir, d'accord ? »

Cyprien n'avait qu'une envie : gâter l'être qu'il aimait. Il voulait le sentir heureux, émerveillé. Il aimait tant voir cette innocence enfantine se peindre sur les traits de Leon !

Et puis il voulait lui faire oublier le comportement dédaigneux du maître d'hôtel.

Léon suivait Cyprien dans le labyrinthe des ruelles et des avenues de Boston. Et bientot, ils arriverent au niveau de l'avenue commerciale de la ville. Léon crut que son fiancé allait l'emmener faire du shopping, qu'il allait pouvoir appauvrir son homme plein au as.

Il était aussi dangereux d'emmener un Léon au restaurant que devant des magasins de toutes sortes. Les cartes de credit fumaient rapidement entre ses mains, et les sacs des différents magasins s'accumulaient dans ses bras.

Mais Cyprien l'emmena devant tous les magasins sans pour autant s'arreter, et c'était a ce moment qu'il commencait a se poser des questions. Où voulait-il l'emmener si ce n'était pas dans les magasins?

Puis son amour de Francais passa ses bras autour de sa taille et les noua sur son ventre. C'est ainsi qu'ils déambulèrent dans les rues de Boston, fier de ce qu'ils étaient sans prendre en considération les regards outrés de certains passants a l'esprit etroits.

Finalement, son finacé lui dévoila la raison de leur présence dans cette avenue. Lorsqu'il lui annonca qu'il voulait lui offrir un cadeau pour leur fiancaille, Léon crut qu'il allait sauter de joie. Bien sur, il ne le fit pas mais son coeur n'avait pas attendu, il bondissait comme il ne l'avait jamais fait.

Cyprien l'avait pris au dépourvu, il ne trouvait rien de ce qui aurait lui faire plaisir. Mais dans sa tête, une idée germa mais il préféra ne rien dire a son amour.

"J'ai bien une idée, mais tu le sauras en arrivant la-bas"

Et sur ces mots, il se libéra de l'emprise si confortable de son fiancé et le prit par une de ses mains et l'emmena a nouveau dans le dédale de béton qu'étaient les rues de Boston.

Cyprien regardait les passants passer. Il tentait, du mieux qu'il pouvait, de ne pas laisser la colère monter en lui, à mesure que les regards réprobateurs tombaient sur eux, comme autant de petits couperets de l'intolérance humaine.

Il n'avait pas honte de ce qu'il était, bien au contraire. Il aimait Leon de tout son coeur et en était fier, mais ces regards étaient blessants. Inconsciemment, il resserra un peu plus son étreinte, pour ressentir la chaleur de son fiancé contre lui.

Il sortit de ses pensées pour écouter les désirs que Leon ... ne formulait pas. Pourquoi tant de mystères ? Que voulait-il ? Cyprien ne souffla mot et glissa sa main dans celle de son aimé.

Il se retrouva donc une nouvelle fois à arpenter la jungle urbaine. Il aimait marcher en ville autant si ce n'était plus que dans la Nature. Il aimait la société, l'humanité en général, probablement était-il trop optimiste, mais c'était comme cela.

Il se demandait, tout en marchant, où pouvait bien l'emmener Leon. Là-bas, c'était où ? Qu'avait-il à lui montrer ? Il eut la légère angoisse de ne pas arriver à offrir à son Ange ce qu'il désirait.

A mesure qu'ils traversaient les rues, cette angoisse se faisait de plus en plus tenace, et il craignait de voir un petit regard déçu se dessiner dans les yeux de son fiancé.

Finalement, Léon parvint un magasin. Mais quel magasin? De vetements? de bijoux? de jeux videos? Non non, rien de tout cela mais alors quoi?

Et bah, c'était un magasin de photos, ou plus exactement chez un photographe professionel. Il tourna la tete vers son amoureux et glissa dans son oreille.

"Mon coeur, je voudrais qu'on prenne des photos de nous. Simplement des photos de nous deux...Rien ne me ferait plus plaisir que ces photos. Tu veux bien?"

Entre-temps, il avait enlacé le cou de son fiancé, et maintenant il lui faisait les yeux de chien battu, ces yeux auxquels Cyprien ne résistait pas bien longtemps...
Il voulait ces photos, et il les aurait...Peu importe les moyens qu'il faudra déployer, il les aurait.

Pour le convaincre encore plus facilement, il mordilla le lobe de son oreille, toujours devant ces regards que Léon ne calculait pas du tout. Il était heureux et alors? Ou était le mal a cela?
Il préférait vivre hors-norme et heureux, que d'entrer dans la normalité et reste morne et triste. Mais être un mutant l'excluait deja de la normalité, et donc une chose hors norme de plus ou de moins...

Après quelques minutes, ils arrivèrent finalement devant un photographe. Le magasin avait le charme de ces vieilles échoppes où les cadres de bois entouraient des photographies un peu jaunies dans une vitrine légèrement poussiéreuse.

On imaginait sans mal le commerçant avec sa moustache tombante, son crâne dégarni et ses épaisses lunettes, ses doigts noueux qui courraient sur son appareil et partout respirait l'odeur d'un travail fait avec amour depuis de longues années.

Cyprien quitta le magasin des yeux avec un sourire et les plongea dans ce regard si magnifique, si attendrissant que lui faisait Leon. Bien sûr qu'il les aurait, ces photographies, comment pouvait-il en être autrement ?

En même temps, si Cyprien faisait mine de refuser, peut-être que son fiancé mordillerait un peu plus longtemps son oreille comme il le faisait si bien. Mais non, tout de même, il ne fallait pas jouer avec les désirs d'un si beau jeune homme.

« Tout ce que tu veux, Mon Ange. »

Il prit la main de Leon et pénétra dans le magasin. Un vieux photographe, à la moustache et au crâne dégarni, dont les mains noueuses respiraient le travail bien fait, posa son regard sur eux.

Il n'y avait dans son regard aucune marque de jugement. C'était un regard bonhomme, un peu paternel, que la sage vieillesse déposait sur un couple de jeunes gens qui s'aimaient ostensiblement, avec une sorte de bénédiction tacite.

Le même sentiment de vive sympathie qu'il avait tout de suite éprouvé pour le majordome de l'Institut rayonna dans le coeur de Cyprien envers le photographe et un sourire un peu émerveillé se dessina sur ses lèvres.

« Bonjour, nous voudrions faire ...
- Bien sûr, bien sûr. Ca fait longtemps que je n'ai pas eu un couple aussi tendre, venez par ici. »

Et le vieil homme s'enfonça dans son arrière-boutique, en passant un rideau noir. Cyprien eut un sourire béat et tourna son regard vers Leon avant de le suivre.

Cyprien n'avait pas mit longtemps a acceder a la demande de son amoureux. Il fallait dire que ce dernier disposait d'arguments très valables, surtout pour le Francais.

Puis les deux amoureux pénétrèrent dans le magasin, et firent la connaissance du propriétaire. C'était un vieil homme tout ce qu'il y avait de plus attachant, le genre d'homme qu'on voulait tous pour grand-père.

Ce dernier les accueillit courtoisement, et on aurait vainement lu un quelconque mépris. Léon eut un élan de sympathie pour ce vieil homme...

Puis il suivit Cyprien à l'arrière salle de la boutique, celle ou se faisait les fameuses photographies. Un peu intimidé devant le professionalisme et l'entrain de cet homme, Léon commenca a se demander s'il n'avait pas fait une erreur en demandant ces photos.

Il leva son regard sur le visage de Cyprien, et sa détermination revint au galop. Il aimait son Francais, et désirait ardemment immortaliser leur amour sur papier glacé et encadré, afin que personne ne puisse douter de l'amour qu'ils ressentaient l'un pour l'autre.

Il fourra timidement sa main dans celle de son ame soeur, et attendit les directives du photographe.

"-Installez-vous, jeunes gens."

"-Oui, Monsieur"

Léon s'assit sur la chaise et sentit son amoureux se placa derriere son dos. Et c'est dans cette posture que commenca la tout premiere scéance photo de Cyprien de de Léon...

Il y avait cette petite salle, qui respirait cette odeur si particulière, celle des magasins de photographies, du liquide révélateur, des pellicules usagées. Car des pellicules il y en avait ! Une chose parfaitement impossible à l'ère du numérique, et pourtant.

Cyprien se fit donc photographier avec son fiancé. D'abord Leon assis et Cyprien debout, puis l'inverse, l'un à coté de l'autre, s'embrassant, joignant les mains, et ainsi de suite.

Ils avaient un sourire un peu béat, avouons le, ils n'étaient pas très à l'aise. Le vieil homme leur fit ensuite signe de patienter et il partit s'enfermer dans la chambre noire, d'un air tout à fait absorbé.

Cyprien se retourna vers Leon et vint se glisser contre lui. Il se pelotonnait contre son fiancé avec un air de fragilité qui transparaissait parfois dans ses manières.

« Mon Ange ... Je ne veux pas que ces photographies soient un souvenir de toi, tu comprends ? »

Il passa ses bras autour de la taille de Leon, comme pour le sentir un peu plus contre lui, pour le savoir présent là, dans ses bras, lové dans son amour et sa tendresse.

Les lèvres de Cyprien s'égarèrent sur celles de Leon dans un baiser passionné mais incroyablement doux. Puis elles se détachèrent et le Français déposa son front contre celui de son aimé.

« Demain matin, tu es près de moi, en bonne santé. D'accord ? »

Cette demande avait quelque chose de ... suppliant.

En attendant le retour du photographe, les deux tourtereaux en profiterent pour s'adonner a une scéance de tendresse, sport où les deux jeunes hommes semblaient exceller.

Puis Cyprien vint l'enlacer au niveau de la taille, c'était une position qu'il semblait apprécier, mais ce n'était pas pour déplaire à Léon. Il aimait sentit le contact du corps de son ame soeur sur le sien. N'y voyez rien de sexuel, mais plutot du sensuel.

Puis il gouta une nouvelle fois aux douces levres de son amant, ces levres sucrées qui ne demandaient qu'a etre embrassées. Puis son amour colla son front contre le sien, et Léon en profita pour passer ses bras autour du cou du Francais.

"Je ferai ce qu'il faudra pour te revenir dans le meilleur état qui soit...mais je ne te garanties rien, mais je ferais de mon mieux mon coeur. Je te le promets."

Il ne voulait pas faire de fausses promesses a son ame soeur, et donc ne pouvait lui promettre de lui revenir sain et sauf, alors que lui meme n'était pas sur de ce qui se passera cette nuit.

"Je t'aime...je n'ai jamais aimé personne comme je t'aime toi, et je doute d'en aime une autre telle que je t'aime..." dit-il juste pour que Cyprien n'en doute pas, et le sache. Au cas où...
Cette declaration avait comme un air d'adieu que Léon refusait d'admettre.

Cyprien voulait répondre mais sa gorge se serrait. Les mots ne lui parvenaient pas et seule une insondable tristesse lui peuplait l'esprit. Tout cela était véritablement injuste : pourquoi devaient-ils si tôt être confrontés à de tels doutes ?

Il avait besoin de Leon. Si son fiancé ne revenait pas de sa mission, Cyprien n'aurait probablement plus la force de vivre. Vivre, il venait d'en découvrir le véritable sens, ce n'était pas pour qu'on lui ôte tout espoir. Non, cela, il ne le supporterait pas.

Fort heureusement, le photographe sortit enfin de sa chambre noire, interrompant l'angoisse qui montait dans le coeur du jeune homme. Apparemment, le vieil homme n'avait pas que du matériel si archaïque que cela, puisqu'il avait développé les photographies en un temps record.

Il fit signe aux jeunes gens de le suivre dans la première pièce et Cyprien s'exécuta, la main de nouveau jointe à celle de Leon, dans une tendresse un peu frénétique.

Il régla le montant des photographies en échange d'un petit paquet que lui remit le photographe. Lorsque celui-ci demanda si il voulait des cadres, Cyprien répondit qu'il s'en occuperait lui-même.

Finalement, les deux amoureux se retrouvèrent à nouveau dans la rue. Cyprien avait un besoin puissant de vivre quelque chose de banal avec Leon, pour se lover dans cette saveur si particulière qu'avaient les moments normaux avec lui.

Il se retourna donc vers lui et lui fit un grand sourire avant de formuler une proposition tout simplement horrible.

« On va en cours ? »

Hnss Hnss Hnss !

Léon sentait bien qu'il n'avait pas réussi a rassurer sa moitié...au contraire, mais il ne pouvait pas délibérement lui mentir rien que pour le rassurer. Ce n'était pas correct vis-à-vis de lui ni vis-à-vis de leur couple.

Puis le photographe réapparut, avec les photos emballés. Cyprien s'occupa de payer le vieil homme, puis il affirma qu'il s'occuperait des cadres des photos.

Lorsqu'ils furent dans la rue, Léon hésita un tout petit sur le comportement a adopter pour rassurer son amour de Francais. Il ne voulait pas etre trop doux avec lui, et ainsi raviver ses angoisses, mais il ne voulait pas non plus paraitre distant et passer pour un insensible...

Puis Cyprien afficha un sourire qui rechauffa le coeur de Léon, avant de lui proposer la seule chose qu'un adolescent ait en horreur: le lycée!
Léon glissa sa main dans celle de Cyprien, et après avoir mordillé le lobe de son oreille qu'il trouvait tellement appétissant, il posa sa tete contre son épaule.

"Du moment que je suis avec toi...tout me va!"

Cyprien serra la main de son aimé. Pour toute réponse, il lui fit un sourire, les mots avaient encore du mal à s'échapper de sa gorge. Il lui fallait un peu de temps pour retrouver son air désinvolte et calmer un peu son angoisse.

Ils se frayèrent un chemin dans les rues de Boston. Les voitures ahanaient dans les embouteillages, les piétons se jetaient des regards agacés en pressant les pas, les gens avaient une mine d'enterrement.

Et au milieu se promenaient Cyprien et Leon, l'air plus amoureux que jamais, main dans la main. L'un d'eux portait même des vêtements qui paraissaient tout à fait déplacés dans le cadre grisâtre de cette fourmilière humaine.

Finalement, ils arrivèrent au lycée. Une fois encore, Cyprien paraissait déplacé. Il regarda le panneau avec une désinvolture retrouvée et constata que c'était un cours de mathématiques. Ca tombait bien, il aimait cela.

Ils se dirigèrent donc vers la salle et Cyprien eut l'exquise politesse de forcer Leon à rentrer en premier.

[-> Leon's turn in Maths Classroom. ]

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